En République démocratique du Congo, un hôpital traque l’ulcère de Buruli

En République démocratique du Congo, un hôpital traque l’ulcère de Buruli

Kinshasa – Dans son petit atelier de cordonnerie à Kimpese, un village situé à 220 km au sud-ouest de Kinshasa, Martin*, 36 ans, se souvient comme si c’était hier de cette plaque indolore qui est apparue sur sa jambe droite, il y a 18 ans. C’était le début d’un périple qui a complètement bouleversé sa vie et lui a laissé une marque à vie. À l’époque, le jeune adolescent ne se doutait pas que cette petite plaque sur la peau pourrait le rendre handicapé.

« Au départ, mes parents et moi, nous ne nous sommes pas inquiétés car je ne ressentais rien de grave. Nous pensions même que cette plaque allait disparaître aussi vite qu’elle était apparue », se remémore-t-il. Mais, son état s’était dégradé et les premiers traitements administrés dans un centre de santé de sa localité n’ont eu aucun effet. « La plaque a envahi toute ma jambe et la maladie s’est attaquée à ma peau et à mes os », ajoute Martin. « Ça devenait de plus en plus insupportable et de nombreuses personnes dans mon entourage pensaient qu’on m’avait jeté un sort. Et j’y croyais aussi. » 

Martin était victime d’un ulcère de Buruli. En langue kikongo en République démocratique du Congo, cette affection est appelée « mbasu », ce qui signifie « mauvais sort ». 

L’ulcère de Buruli est la troisième mycobactériose touchant l'homme, après la lèpre et la tuberculose, et se manifeste souvent d’abord par un nodule indolore avant que n’apparaisse une plaque ou un œdème diffus et indolore sur les jambes, les bras ou le visage. La maladie peut progresser sans douleur ou fièvre, mais en l’absence de traitement, ou parfois au cours de l’antibiothérapie, le nodule, la plaque ou l’œdème s’ulcère en quatre semaines. Il arrive que l’os soit touché, ce qui entraîne des déformations.

Cette maladie tropicale négligée est endémique en République démocratique du Congo, notamment dans le Kongo central, le Maniema, le Maï-Ndombe, le Kwilu et le Kwango, avec en moyenne 50 cas enregistrés chaque année. 

L’Hôpital général de référence (HGR) de l’Institut médical évangélique (IME) de Kimpese est connu pour être le seul du pays dédié uniquement à la prise charge des cas d’ulcère de Buruli, depuis sa mise en place en 1999. « Notre but est de contribuer à la réduction de la morbidité et des incapacités liées à cette maladie », rappelle le Dr Delphin Phanzu, médecin et coordonnateur du Projet de lutte contre l’ulcère de Buruli.

C’est lors du passage d‘une équipe du projet dans son village que Martin a pu être proprement diagnostiqué, après cinq ans d’errance médicale. Lui et sa famille n’avait jamais entendu parlé de l’ulcère de Buruli auparavant.

« La lutte contre cette maladie invalidante a beaucoup évolué », rassure le Dr Théophile Luzaïsu, Directeur Général de l’hôpital. « Pendant des années, nous avons mis un accent particulier sur la formation du personnel, le prélèvement en communauté, la sensibilisation des populations et l’amélioration continue de la prise en charge », souligne-t-il.

Le nombre de cas, venant des différentes zones endémiques du pays, admis en hospitalisation dans cet hôpital a considérablement baissé, passant de plus de 64 cas dans les années 2000 à 2010 à seulement 5 cas répertoriés en 2022. Par ailleurs, le prélèvement en communauté a permis de détecter la maladie précocement : au début des années 2000, 95 % des malades admis l’étaient au stade le plus avancé de la maladie avec une durée moyenne d’hospitalisation de 89 jours. « Aujourd’hui la durée moyenne d’hospitalisation est de moins de 60 jours », se réjouit Dr Luzaïsu. « Les patients arrivent maintenant très tôt dans notre structure. »

Le traitement recommandé actuellement consiste en une association d’antibiotiques couplée à de soins complémentaires dans les cas d’ulcération. Des recherches en cours explorent prioritairement des pistes permettant de raccourcir la durée du traitement à 8 semaines.

Face au poids des fausses croyances et des préjugés liés à l’ulcère de Buruli, la prise en charge médicale est soutenue par un accompagnement psychosocial. L’infirmière Lucie Lutiaku travaille dans ce centre depuis 2014 et a été plusieurs fois formée, avec l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de ses partenaires tels que American Leprosy Missions (ALM). « Toutes ces formations et directives sur le traitement et la prise en charge de l’ulcère de Buruli expliquent ces résultats positifs », affirme-t-elle. « Lorsque nous recevons des cas à l’hôpital, en plus des soins, notre rôle est aussi de rassurer le malade et l’aider à reprendre confiance. Nous mettons aussi à contribution les proches des malades pour les soutenir et les encourager tout au long du processus de traitement. » 

L’Hôpital général de référence contre l’ulcère de Buruli de Kimpese s’illustre aussi dans la prévention. Il a développé des outils de sensibilisation à l’instar des boîtes à images. Des émissions radio-télévisées, des dialogues communautaires et des campagnes de sensibilisation sont régulièrement organisés afin d’éduquer la population au dépistage précoce gage d’une victoire sur la maladie. Dès l’apparition des premiers symptômes, notamment un nodule, une plaque ou un œdème indolore des jambes, des bras ou du visage, le premier réflexe recommandé est de se rendre immédiatement dans une structure sanitaire. 

Dans l’accompagnement pour la détection rapide, l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) appuie les différentes initiatives dans l’analyse des échantillons prélevés en communauté dont les résultats sont disponibles sous 72 heures. Ainsi en 2022, plus de 288 échantillons ont été reçus et analysés permettant ainsi de confirmer 75 cas positifs à la PCR qui ont été pris en charge aussitôt. 

L’OMS appuie le pays dans cette lutte en mettant à sa disposition des médicaments pour la prise en charge. « Depuis plusieurs années, nous sommes aux cotés de la RDC pour l’élaboration et la mise en œuvre des orientations clés afin d’assurer aux patients une thérapie appropriée pour qu’ils retrouvent une vie normale », a déclaré le Dr Amédée Prosper Djiguimdé, Chargé de bureau de l’OMS en République démocratique du Congo. 

Traité à l’Hôpital général de référence de Kimpese pour une lésion ulcérée au membre inférieur droit, Martin est sorti guéri après deux mois d’hospitalisation, mais il se déplace désormais avec des béquilles. Il a néanmoins repris goût à la vie. « Désormais, je passe le message autour de moi, car cela peut sauver des vies ». 

* Le nom a été changé
 

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