Lutte contre la Résistance aux antimicrobiens : une affaire de tous !

Lutte contre la Résistance aux antimicrobiens : une affaire de tous !

Abdallah (nom d’emprunt) est un jeune marocain qui a succombé à une infection à Staphylococcus Aureus Résistant à la Méticilline « SARM », un type de bactérie à gram positif très résistante à plusieurs molécules. Cette infection est survenue après son retour au bercail suite à une opération chirurgicale qu’il a subie en France. Au Maroc où il devait poursuivre sa rééducation, il lui a été diagnostiqué une infection à staphylocoque doré multi résistant donc ne répondant pas à l’arsenal thérapeutique disponible sur le marché. Par manque d’un traitement efficace contre ce germe, le patient ne s’en est pas sorti. 

Ce cas d’Abdallah a suscité chez Dr. Dédith MBONYINGINGO, alors étudiant en pharmacie au Maroc, l’intérêt de consacrer ses travaux de thèse de doctorat à la résistance aux antimicrobiens (RAM). Un problème de santé publique très préoccupant aujourd’hui dans le monde et au Burundi, où le Dr. MBONYINGINGO s’active à sensibiliser la population pour l’adoption des bonnes pratiques de bon usage des antimicrobiens à travers l’Autorité Burundaise de Régulation des Médicaments à usage humain et des Aliments « ABREMA » dont il est le Directeur Général. 

Les antimicrobiens constituent une famille de médicaments utilisés pour tuer ou pour ralentir la croissance des microbes tels que les bactéries, les champignons, les virus ou les parasites. On distingue les antibiotiques, les antiparasites, les antiviraux et les antifongiques. Cependant, « pour certaines raisons comme leur utilisation régulière voire abusive, le non-respect de la posologie, l’automédication, la bactérie, le virus, le parasite ou le champignon censé être combattu acquiert de la résistance et n’obéit plus à l’antimicrobien. On parle ainsi de la résistance aux antimicrobiens », explique le docteur en pharmacie. 

La résistance aux antimicrobiens est un phénomène naturel ou acquis au cours du temps, en général à la suite de modifications génétiques. On retrouve les germes résistants aux antimicrobiens chez l’être humain, l’animal, dans les aliments et dans l’environnement (eau, sol et air). Ils peuvent se propager d’une personne à l’autre, de l’homme à l’animal ou vice versa, ainsi qu’à partir des aliments d’origine animale.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe la résistance aux antimicrobiens comme un problème majeur de santé sur le plan mondial. Ses conséquences sont désastreuses aussi bien sur la santé humaine, sur la santé animale que sur l’environnement. 

Selon le Dr. Dédith MBONYINGINGO, la RAM engendre l’inefficacité thérapeutique, l’augmentation de la morbi-mortalité, la difficulté d’avoir un traitement adapté pour la pathologie en question et l’accroissement du coût global des soins de santé. « Il devient très difficile de trouver une thérapie efficace au patient, puisque l’infection en cause ne réagit plus aux molécules habituelles. Le malade passera plus de temps que prévu à l’hôpital avec comme conséquence une prise en charge très coûteuse », explique-t-il. 

Au Burundi, il n’existerait pas de données claires et probantes qui attestent de l’ampleur de la prévalence, aussi bien au niveau des infections cliniques causées par les microbes résistants qu’au portage de ces germes résistants (capacité d’un individu ou d’un animal à porter un germe). « Et c’est cela qui rend la situation préoccupante pour le pays », estime le Directeur Général de l’ABREMA. Pour faire face à la RAM au Burundi, « plusieurs actions ont été entreprises. Il s’agit tout d’abord de l’élaboration de stratégies. En s’appuyant sur le plan mondial de l’OMS, le Burundi a développé en 2020, un plan d’actions national de lutte contre la résistance aux antimicrobiens (PAN RAM 2020-2023). Un document stratégique qui montre clairement les interventions à réaliser, le cadre logique et les indicateurs de performance. Il y a également des   actions qui sont menées dans le cadre de la surveillance et du laboratoire. Avec l’appui de l’OMS, il y a eu des enquêtes sur la consommation des antimicrobiens, l’identification et l’instauration des sites sentinelles qui permettent de détecter les germes en circulation afin de les combattre. Autres actions : nous menons des campagnes de sensibilisation ; Chaque année, le Burundi se joint à la communauté internationale pour célébrer la semaine mondiale dédiée à la sensibilisation pour un bon usage des antimicrobiens. Au niveau de l’ABREMA, nous nous attelons à réguler l’usage des molécules en ayant un regard attentif sur la qualité des médicaments y compris les antimicrobiens. Des documents de référence sur les médicaments sont élaborés et révisés périodiquement. C’est le cas par exemple de la liste de médicaments à prescription obligatoire pour essayer de limiter l’automédication. Nous avons aussi la Liste Nationale des Médicaments Essentiels (LNME) qui définit les molécules essentielles qui sont utilisées et quels soins sont-elles utilisées. Ce sont autant d’actions qui sont menées pour lutter contre le phénomène de la RAM au Burundi », a détaillé Dr. Dédith MBONYINGINGO. 
Et par rapport à ces actions, le Directeur Général de l’ABREMA tient à souligner l’accompagnement « combien précieux » de l’Organisation mondiale de la santé dans cette bataille contre la RAM.

« L’OMS nous appuie en matière de conseils pour l’élaboration de documents stratégiques comme le PAN RAM dont j’ai parlé plus haut, mais aussi en termes de financement des activités qui sont initiées et menées par le gouvernement à travers le ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida », explique le Directeur Général de l’ABREMA. 

C’est une évidence que la RAM est une préoccupation majeure de santé publique qui nécessite la contribution de tout un chacun. A l’occasion de l’édition 2022 de la semaine dédiée à la sensibilisation pour un bon usage des antimicrobiens, dont le thème est « Ensemble Prévenons la résistance aux antimicrobiens », Dr. Dédith MBONYINGINGO souhaite vivement que le combat contre la RAM soit l’affaire de tous. « La lutte contre la résistance aux antimicrobiens ne doit pas être l’apanage du Ministère de la santé ou de l’ABREMA. Chacun doit jouer sa partition. Je voudrais demander à la population d’adopter les bonnes manières pour utiliser dûment ces molécules qui sont d’une importance capitale dans la chaîne thérapeutique nationale. Qu’elle évite l’automédication, qu’elle respecte les prescriptions médicales relatives aux délais de traitements, à la posologie indiquée par le médecin, qu’elle demande conseils aux pharmaciens et à d’autres professionnels de la santé habilités afin d’être bien orientée sur la prise en charge adaptée de l’infection qui se présente. A l’endroit de mes confrères professionnels, je voudrais leur demander de s’assurer que les prescriptions faites aux patients en matière d’antimicrobiens sont celles qui conviennent véritablement. Il ne faudrait pas prescrire un antibiotique à un patient à tort et à travers, mais être sûr que la molécule proposée est celle qu’il faut pour traiter l’infection présentée et surtout expliquer aux patients les règles et modalités de prise des antimicrobiens ».

Des conseils qui, s’ils sont bien suivis, permettront au Burundi de faire un grand pas en avant en matière de lutte contre la résistance aux antimicrobiens.
 

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