Un réseau téléphonique qui sauve des vies

Un réseau téléphonique qui sauve des vies

Lors de l’épidémie de choléra qui a débuté en 2010 au Cameroun, une flotte de téléphones mobiles à coût zéro pour les appels intra-flotte et à coût réduit pour les appels hors de la flotte  a permis d’atteindre plus vite des communautés en détresse, de prendre plus rapidement les malades en charge, et de coordonner les actions de sensibilisation, de mobilisation sociale et d’assainissement. Elle a été mise en place par l’OMS en appui au Ministère de la Santé Publique. C’était le début de « la flotte téléphonique au service de la santé». 

L’ESPOIR AU BOUT DU FIL

En 2010 au plus fort de l’épidémie de choléra dans l’Extrême Nord du Cameroun, le Docteur Martine Wawoua dirigeait le district de santé de Hina. Pour elle il y a un avant, et un après. «Avant ! », s’exclame-t-elle, « nous étions submergés d’appels et de bip (signal court demandant rappel de l’émetteur)».  « Les gens demandaient du secours depuis les villages, ou se signalaient par un bip. Nous rappelions souvent, jusqu’à l’épuisement de notre crédit de communication, ensuite nous étions impuissants. Les membres de la communauté devaient se déplacer pour signaler un cas suspect dans le village, ou pour amener le malade jusqu’à nous, et pendant ce temps les cas se multipliaient, ainsi que la cohorte de décès» 

Puis un jour, elle reçoit un téléphone permettant de communiquer à coût zéro avec les collègues, et à coût réduit hors flotte, tout comme chacun des chefs des 28 districts de la Région. 

« Avec la flotte, je rappelais à coût modéré, prenais la mesure des besoins, leur disait quoi faire en nous attendant, et tout de suite on pouvait aller sur place, avec équipes et matériels. Si le crédit s’épuisait, je joignais à coût zéro un collègue chef de district qui les rappelait, leur donnait la conduite à tenir et nous communiquait toutes les informations. Et puis nous avions plus de temps pour communiquer avec la hiérarchie et discuter de tous les détails sans pression.» 

Le Docteur Rebecca Djao, est le Délégué Régional de la Santé de l’Extrême Nord : elle confirme : «  la flotte a raccourci les délais, permis de mobiliser plus vite, d’avoir des informations détaillées pour mieux organiser la prise en charge. Elle est un outil indispensable ».

DU TEMPS POUR PARLER, DES INFORMATIONS POUR AGIR 

Aux  32 téléphones à l’Extrême Nord, s’ajoutent des ordinateurs et une connexion Internet haut débit pour une transmission plus rapide des données. L’épidémie s’étend, les autres régions réclament la flotte téléphonique, cinq régions dont le Littoral sont équipées en 2011. Le Docteur Salomé Nguele, chef du district de santé de Nylon à Douala exprime le changement en un mot : soulagement. 

« C’était un grand soulagement. Le district de Nylon était très saturé en termes de malades, les unités de traitement étaient dépassées. Les coûts de téléphone avaient explosé. On avait parfois plus de 100 cas dans les districts. Certains malades changeaient de quartier, il fallait les retrouver, les joindre, appeler les ambulances là où il y en avait. Grâce à la flotte téléphonique, nous pouvions entrer en contact avec les autres centres de traitement pour référer les malades, faire le point avec les autres chefs de district. La situation des lits, la préparation des descentes en communauté, l’appel des malades et garde-malades, (parfois il fallait appeler 25 personnes pour avoir celle qui pouvait montrer le domicile afin qu’on puisse procéder à l’assainissement.

 Eugène Tanga, Président du comité de santé du quartier Barcelone à Douala  relève le rôle du suivi téléphonique : « dans mon aire de santé nous avions parfois 12 cas par jour. Le médecin de district Docteur Nguele nous appelait tout le temps, et si on la bipait, elle rappelait, demandait des éclaircissements et donnait de précieux conseils. » 

UNE EXTENSION D’UNE REGION A TOUT LE PAYS

Cinq régions sont équipées en 2011, et la flotte couvre l’ensemble des districts de santé en 2012. Elle est reliée au Ministère de la Santé, à l’OMS, aux laboratoires de référence, et à certaines directions du niveau central. 

En décembre 2013, toutes les aires de santé sont couvertes par l’initiative. Ce rapprochement avec la communauté a fait dire au Docteur Martine Wawoua qui travaille maintenant au district de Mokolo dans l’Extrême Nord : « nous avons eu 2 cas suspects de choléra à l’aire de Ouro Sada. Avec la flotte au niveau des aires, et alerté par la communauté, le chef de l’aire de santé nous a appelés. Nous avons discuté de la conduite à tenir au téléphone, et à notre arrivée, tout était fait correctement ! »

Dotée d’un annuaire contenant tous les numéros de téléphone, le réseau de 1900 téléphones portables partant des 1700 aires de santé du Cameroun fonctionne 7J/7 et 24H/24. Il est complété par des ordinateurs reliés par des connexions Internet et par un système de téléconférence mobile  reliant le niveau central du Ministère de la Santé Publique aux délégations de la santé des 10 régions du pays. 

L’APPUI DE L’OMS ET DES PARTENAIRES A UNE INITIATIVE RECOMPENSEE

L’OMS a  mobilisé des fonds auprès de plusieurs partenaires et établi un partenariat avec un opérateur local de téléphonie mobile. Le financement de l’investissement en équipements est assuré, la réduction des coûts de communication est obtenue. 

Le projet de la flotte téléphonique a été récompensé en septembre 2013 par le prix E-Health de la Banque Africaine de Développement.

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