Drépanocytose au Niger : Briser le silence pour sauver des vies

Drépanocytose au Niger : Briser le silence pour sauver des vies

Et si une simple analyse sanguine avant le mariage pouvait changer une vie ? 

« Dès mon arrivée à la tête du Centre National de Référence de la Drépanocytose (CNRD), une histoire m’a profondément marquée : celle d’un parent contraint, par la précarité, d’abandonner son enfant atteint de drépanocytose au centre, faute de moyens pour acheter les médicaments nécessaires », confie le médecin-colonel Mariam Boureima Djibo, directrice du CNRD. 

Ce témoignage poignant illustre la souffrance silencieuse de nombreuses familles et révèle l’urgence de renforcer le soutien médical et social pour éviter de telles situations.

Au Niger, des milliers d’enfants naissent chaque année avec la drépanocytose, une maladie génétique douloureuse et encore trop méconnue. Pourtant, cette tragédie pourrait être évitée. En l’absence de données nationales exhaustives, mais face à des signaux alarmants dans plusieurs régions, le CNRD intensifie ses efforts pour inverser la tendance. La maladie survient lorsque l’enfant hérite du gène défectueux de ses deux parents (forme homozygote SS). La forte prévalence des porteurs, souvent ignorants de leur statut, explique la persistance des cas. Le dépistage prénuptial et le conseil génétique sont donc essentiels pour prévenir la transmission. Le CNRD joue un rôle central dans leur promotion à l’échelle nationale, permettant aux couples à risque de faire des choix éclairés.

« Cette expérience a renforcé ma conviction que l’accès aux soins doit être un droit pour tous, indépendamment de leur situation financière. Elle a orienté nos actions vers des solutions concrètes à savoir le plaidoyer pour la gratuité de certains médicaments, le renforcement de l’assistance sociale et la mise en place de dispositifs d’accompagnement pour les familles vulnérables », poursuit la directrice.

Parmi les initiatives phares, un programme pilote de dépistage néonatal a été lancé à la Maternité Issaka Gazobi. Il a permis d’identifier précocement des nouveau-nés atteints, ouvrant la voie à une prise en charge rapide et adaptée. 

Comme l’a souligné Dr Marie Ousseini, pédiatre impliquée dans le projet : « Détecter la drépanocytose dès les premiers jours de vie, c’est donner à ces enfants une chance réelle de vivre mieux, plus longtemps, et avec moins de souffrance ».

 Ce dépistage s’inscrit dans une stratégie plus large de prévention, qui comprend également la sensibilisation communautaire, la formation du personnel médical et l’accompagnement psychosocial des familles. D’autres actions ont été entreprises notamment le suivi médical, la subvention des médicaments, l’éducation thérapeutique, le soutien psychologique et la collaboration avec les associations de patients.

Sous la direction de la Dre Mariam, le CNRD a enregistré des avancées notables. Il s’agit entre autres de la création d’une salle de soins intensifs, du recrutement de spécialistes (psychologue, épidémiologiste, réanimatrice), de l’acquisition d’équipements de pointe, la sensibilisation accrue et le dépistage gratuit de plus de 2 000 jeunes en 2024. 

Parmi les projets à venir figurent l’extension du dépistage prénuptial à toutes les régions, l’amélioration du système d’information sanitaire, le renforcement de l’accompagnement psychosocial, l’intégration de la drépanocytose dans les politiques nationales, la construction d’un nouveau centre à Niamey et l’organisation tournante de la Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose.

La drépanocytose ne constitue pas une fatalité. Des solutions concrètes et accessibles existent, à condition que l’ensemble des acteurs sociaux s’engage activement. La lutte repose sur plusieurs leviers essentiels tels que le dépistage préventif des jeunes avant le mariage, l’information des enfants par leurs parents, la sensibilisation des communautés par les leaders locaux, et l’engagement des décideurs en faveur de politiques de santé inclusives et durables.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est un partenaire clé du CNRD. À l’occasion de la Journée mondiale de la drépanocytose, célébrée le 19 juin 2024, elle a remis un important lot de médicaments et de consommables médicaux au centre. Ce don, salué par les bénéficiaires et les autorités sanitaires, a permis de renforcer la prise en charge des patients. Mme Asmaou Salifou, mère de huit enfants dont trois drépanocytaires, a exprimé sa reconnaissance pour cette aide vitale. 

Au-delà de ce soutien matériel, l’OMS s’est engagée à renforcer les capacités du CNRD. Le 28 janvier 2025, lors d’une visite officielle, le Représentant intérimaire de l’OMS au Niger, Dr Casimir Manengu, a salué l’existence du centre et suggéré sa décentralisation : « Ce centre spécialement dédié à l’accueil et à la prise en charge de la drépanocytose mérite d’être décentralisé afin de pouvoir toucher tous ceux dans le besoin sur l’étendue du territoire national ». 

Selon Dr Batouré Oumarou, l’OMS entend également appuyer la mobilisation de partenaires techniques et financiers, conduire des actions de plaidoyer en faveur du CNRD, et soutenir la réalisation d’études scientifiques pour une meilleure prise de décision. Ces perspectives d’appui témoignent de la volonté de l’OMS Niger de renforcer durablement la lutte contre la drépanocytose dans le pays.

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Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Fati AMADOU OUMAROU

Communications Officer

WHO Niger

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