Les sages-femmes au Soudan du Sud sauvent des vies en temps de paix comme en temps de crise

Les sages-femmes au Soudan du Sud sauvent des vies en temps de paix comme en temps de crise

 

Juba – Les sages-femmes jouent un rôle essentiel au Soudan du Sud, où elles facilitent les soins prénatals, apportent une assistance qualifiée lors des accouchements et offrent des soins postnatals aux mères et aux nouveau-nés afin de prévenir les décès et d’assurer un avenir sain aux mères et aux enfants.

Leur rôle est d’autant plus important que le pays enregistre l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde, avec 692 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Pour les nouveau-nés, la charge est tout aussi grave, avec environ 40 décès pour 1000 naissances vivantes. De nombreux facteurs y contribuent, notamment un contexte instable marqué par des crises humanitaires et des urgences sanitaires liées au climat.

Bien que les sages-femmes soient en nombre insuffisant et que près de 60 % des accouchements ont lieu sans l’assistance d’un personnel qualifié, celles-ci font preuve d’un engagement remarquable pour changer les perceptions de la population et augmenter le nombre d’accouchements dans les établissements de santé, malgré les défis liés aux infrastructures, le manque de ressources humaines et la charge de travail importante.

Mary Mania
Mary Mania, âgée de 65 ans, travaille depuis 25 ans comme sage-femme, et occupe depuis peu le poste d’infirmière en chef à l’hôpital d’État de Torit, dans l’Équatoria oriental au Soudan du Sud. Malgré ses responsabilités administratives, Mania continue de jouer un rôle actif dans les soins de maternité. La perte de membres de sa famille lors d’accouchements l’a motivée à poursuivre une carrière de sage-femme, d’abord en tant qu’infirmière généraliste, puis en suivant une formation spécialisée.

Mania se souvient avoir travaillé pendant des années d’instabilité politique durant lesquelles les infrastructures sanitaires étaient défaillantes, au Darfour, au Soudan, puis à l’hôpital de Torit. Elle a formé et collaboré avec des accoucheuses traditionnelles, leur transmettant des pratiques qui sauvent des vies malgré leur manque d’éducation formelle. Sa passion pour la profession de sage-femme est restée intacte malgré les fréquentes pénuries de fournitures médicales, d’équipements voire d’électricité. Elle utilise souvent des torches dans les salles d’accouchement ou contribue de sa poche lorsque les mères n’ont pas les moyens d’acheter les fournitures nécessaires.

Sous la supervision de Mania, la mortalité maternelle à l’hôpital est passée de plus de 13 décès fin 2023 à seulement un ou deux décès par an actuellement. Elle est bien connue dans la communauté, saluée au marché et de nombreuses femmes ainsi que les membres de leurs familles se souviennent d’elle.

« Même lorsqu’un village est très peu peuplé, il doit y avoir une sage-femme », déclare-t-elle. « Les sages-femmes jouent un rôle primordial là où la vie commence. »

Kulang Jasenta
Pour Kulang Jasenta, 42 ans, mère de cinq enfants, le travail des sages-femmes à l’hôpital Torit a été une expérience positive et porteuse d’espoir. Elle a accouché de tous ses enfants à l’hôpital et a pu constater par elle-même les soins, le respect et la gentillesse des sages-femmes. « Elles vous aident pendant le travail, vous parlent doucement et restent à vos côtés », explique-t-elle.

Jasenta est désormais ambassadrice informelle de la santé maternelle dans sa communauté. Elle conseille aux femmes de se rendre tôt aux consultations prénatales et d’éviter les accouchements à domicile. « Lorsqu’elles voient une femme accoucher en toute sécurité à l’hôpital, cela les encourage », déclare-t-elle.

Rose Keji
Âgée de 28 ans, Rose Keji est sage-femme à l’hôpital d’État de Torit depuis neuf ans. Elle a vu des femmes accoucher à domicile et dans des établissements de santé de fortune dans des camps de réfugiés, sans accès à des soins de santé de qualité. Ces expériences l’ont incitée à embrasser cette profession et contribuer à faire changer les choses.

La motivation de Keji est profondément enracinée dans le désir de servir son peuple. « La plupart des services étaient autrefois fournis par des étrangers », relate-t-elle. « En tant que femme sud-soudanaise, je veux prendre soin de mon peuple. » Malgré des défis tels que l’insécurité politique, la résistance de la communauté, les maigres salaires et la charge de travail importante, elle reste engagée. Elle et son équipe utilisent parfois la torche de leurs téléphones portables pendant les pannes de courant et collectent des fonds entre elles lorsque les patientes n’ont pas les moyens d’acheter des médicaments.

Ses efforts commencent à porter leurs fruits. Keji a noté une réduction du nombre de décès maternels, une augmentation des accouchements en milieu hospitalier et une meilleure sensibilisation aux soins prénatals dans la communauté. « Quand je vais au marché et que quelqu’un m’appelle ou m’offre un présent, je me sens fière d’avoir fait une différence », confie-t-elle.

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