En Afrique, les services de transfusion sanguine manquent de donneurs

En Afrique, les services de transfusion sanguine manquent de donneurs

Accra – Après un grave accident de voiture survenu à la fin 2022 dans la ville d’Akuse, au sud du Ghana, Nana Serwaa Brakatuo se retrouve dans un état critique : elle souffrait d’une rupture du foie et présentait des caillots de sang dans les poumons. Sans une quantité suffisante de sang pour procéder à une transfusion sanguine urgente et à l’intervention chirurgicale nécessaire, les médecins estimait qu’elle avait très peu de chances de survivre. Mais grâce aux dons de sang provenant de donneurs anonymes, de sa famille et de ses amis, les médecins ont réussi à lui sauver la vie.

« Au moment de son admission d’urgence dans notre établissement, elle avait déjà perdu beaucoup de sang. Nous étions donc confrontés à un besoin urgent de sang provenant de donneurs », se souvient Beatrice Mfoafo, infirmière spécialisée en soins intensifs au 37 Military Hospital d’Accra, la capitale du Ghana.

En trois semaines, Il a fallu deux interventions chirurgicales et la transfusion de 30 unités de sang pour amorcer le processus de rétablissement de Nana Brakatuo.

« Malgré notre expertise, elle n'aurait pas survécu si nous n'avions pas obtenu le sang dont elle avait besoin. L’intervention des donneurs de sang et du service national de transfusion sanguine a fait toute la différence pour elle », explique Beatrice Mfoafo.

De son côté, Nana Brakatuo peine à trouver les mots pour exprimer sa gratitude.

« Je suis en vie aujourd’hui grâce au geste volontaire de personnes qui ont décidé de donner leur sang », résume-t-elle.

Le Rapport de situation 2022 sur la disponibilité, l’innocuité et la qualité du sang, publié par la Région africaine de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), indique que les pays africains ont réalisé des progrès notables en mettant notamment en place des services de transfusion sanguine coordonnés au niveau national, des plans directeurs et des normes nationales pour la collecte, le dépistage, le traitement, la conservation et la distribution du sang et des produits sanguins.

En effet, le nombre d’établissements accrédités par le Programme d’accréditation par étapes de la société africaine de transfusion sanguine a doublé entre 2013 et 2020. De plus, il convient de souligner que le nombre de pays ayant adopté des politiques, des législations, des normes nationales et des lignes directrices régissant l’utilisation clinique du sang a connu une augmentation, passant de 19 pays en 2013 à 23 pays en 2020.

D’après le rapport, « ces données attestent de la mise en œuvre progressive de la stratégie régionale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) relative à la réglementation du sang et des produits sanguins ». Il met en outre l’accent sur l’importance des systèmes de réglementation appropriés pour garantir une qualité optimale, la sécurité et la disponibilité du sang.

Toutefois, les taux de don de sang demeurent insuffisants pour faire face à la demande, comme en témoigne de manière évidente le déficit cumulé de plus de trois millions d’unités de sang signalé par 38 pays africains en 2020.

Au Ghana, par exemple, environ 180 000 dons de sang ont été enregistrés en 2022, ce qui est nettement inférieur à l’objectif annuel fixé à 308 000 dons. Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a également entraîné une diminution du nombre de donneurs de sang volontaires au Kenya, au Lesotho, au Malawi et à Maurice, passant de plus de 80 % à moins de 50 %.

D’importants défis persistent, alerte le Dr Mohamed Ismail, responsable de l’équipe Approvisionnement en médicaments et infrastructure sanitaire, au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique.

« À l’heure actuelle, les taux de collecte de sang que nous observons sont plus de cinq fois inférieurs à ceux enregistrés dans les pays à revenu élevé, ce qui compromet gravement l’accès au sang pour tous ceux qui en ont besoin », explique-t-il.

Analysant les obstacles à une disponibilité suffisante de sang et de produits sanguins nécessaires pour sauver des vies, le rapport fait mention de facteurs tels que la faiblesse des programmes de recrutement des donneurs, la résistance culturelle et le manque de sensibilisation au niveau communautaire. Ces facteurs, poursuit le rapport, sont amplifiés par les contraintes financières, l’utilisation clinique inappropriée du sang entraînant une surconsommation, ainsi que la perte de produits sanguins résultant notamment de l’élimination d’une forte proportion d’unités de sang.

La Dre Shirley Owusu-Ofori, Directrice générale du service national de transfusion sanguine du Ghana, souligne que son service collaborait avec l’OMS pour encourager les dons de sang volontaires quotidiens, en renforçant les capacités et la promotion de la sensibilisation.

« Les urgences qui requièrent une transfusion sanguine ne peuvent tolérer de délais, nous devons avoir du sang disponible en permanence », insiste la Dre Shirley Owusu-Ofori.

Chaque jour, la vie de patients tels que Nana Brakatuo sont sauvées grâce à l’engagement indéfectible de donneurs comme Henry Nii Abossey Thompson, un citoyen ghanéen qui a fait don de son sang 100 fois depuis 1976. En Afrique, les deux tiers du sang donné sont essentiellement utilisés dans les domaines de la médecine interne, de la gynécologie et pour les soins pédiatriques. En effet, dans de nombreux pays africains, les transfusions sanguines visent majoritairement à traiter l’anémie sévère chez les femmes ayant souffert d’hémorragie après l’accouchement, ce qui représente 70 % de l’ensemble des transfusions sanguines réalisées.

« Je crois qu’il est de notre responsabilité civique collective de veiller à ce que le sang soit facilement disponible pour tous ceux qui en ont besoin », a déclaré Henry Nii Abossey Thompson. « Il est très gratifiant de donner une partie de soi pour sauver la vie d’une autre personne. »

Tout comme Nana Brakatuo, Modeste Ntahomvukiye, une agricultrice burundaise de 75 ans, doit aussi sa vie à des donneurs de sang. Inconsciente et affaiblie par une anémie causée par le paludisme, elle a été conduite à l’hôpital Prince Regent Charles de Bujumbura, tandis qu’elle perdait progressivement le souffle de vie.

« Ça n’a vraiment pas été facile de trouver une personne dont le groupe sanguin était compatible avec le mien », dit-elle en remerciant le donneur anonyme qui lui a sauvé la vie en juin 2019.

Pour Nditifei Goni, originaire du Tchad, le don de sang est un acte d’engagement pour sauver des vies.

Après avoir subi, il y a deux décennies, une intervention chirurgicale qui requérait une transfusion sanguine, il s’est résolument engagé à donner son sang, dans la mesure du possible, à ceux qui sont dans le besoin.

« Pour moi, c’est quelque chose de naturel. Je me dois de donner mon sang pour sauver des vies », dit-il.

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Meenakshi Dalal

Chargée de relations avec les média
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique
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