Une usine de traitement des eaux usées, la surveillance et la lutte contre la poliomyélite en Zambie

Lusaka – Les équipes de surveillance environnementale en Zambie jouent un rôle essentiel au sein du programme national d’éradication de la poliomyélite. Depuis l’apparition de la flambée épidémique due au poliovirus sauvage au Malawi en février 2022, ces équipes ont intensifié leurs efforts de détection précoce au moment où cinq pays du sud-est de l’Afrique renforcent la campagne de vaccination des enfants et d’éradication du virus.

« Mon fils de quatre ans souffre d’une paralysie due à des complications à la naissance », explique Francis Mbulo, chargé de la surveillance au bureau sanitaire de la province de Lusaka, avant d’ajouter que « quand je fais des bilans de santé d’enfants dans les hôpitaux qui leur sont consacrés, un battement de cœur me suffit généralement pour distinguer une PFA ».

La paralysie flasque aiguë, en abrégé PFA, se présente chez les jeunes enfants sous la forme d’une faiblesse des membres ou du cou, d’un affaissement du visage, de difficultés de déglutition ou de troubles de l’élocution. Le syndrome est dû à un certain nombre de causes, dont le paludisme grave, la méningite ou les piqûres de tiques. Mais c’est aussi l’un des principaux symptômes du poliovirus, qui provoque la paralysie en attaquant le système nerveux central.

La surveillance de la PFA est la méthode de référence employée pour l’identification des poliovirus, en association soit avec la détection des poliovirus dans les eaux usées, soit avec la surveillance environnementale. Il est indispensable d’utiliser tous les outils à disposition. La Zambie intensifie la lutte contre la poliomyélite au moment où les pays d’Afrique australe accélèrent leur riposte à une flambée de poliovirus sauvage de type 1 au Malawi et au Mozambique.
Pour vérifier les dossiers de diagnostic de la poliomyélite, Mbulo et un membre de son équipe font une halte au service pédiatrique du Levy Mwanawasa University Teaching Hospital, un centre hospitalier universitaire flambant neuf. « Nous recensons environ 10 cas par an dans le district. Nous en avons découvert un la semaine dernière et nous avons prélevé un échantillon de selles pour analyse », explique Mbulo. S’il est vrai que la surveillance de la poliomyélite est de loin la plus efficace pour détecter la maladie, il est tout aussi vrai que des ressources doivent rapidement être mobilisées dans les zones densément peuplées comme Lusaka.

C’est dans de tels cas que la surveillance environnementale peut s’avérer utile.
« L’odeur est forte… mais on finit par s’y habituer », indique Mbulo. L’équipe se trouve au Centre de stabilisation des déchets de Kaunda Square, qui a la capacité de traiter les eaux usées de plus de 150 000 habitants de Lusaka.

Les membres de l’équipe portent des vêtements de protection et préparent le matériel grâce auquel ils pourront prélever des échantillons. Un seau et une corde, une bouteille, une glacière avec blocs réfrigérants, un thermomètre et une solution désinfectante sont nécessaires pour mener à bien une telle opération.

L’équipe de Mbulo a commencé à prélever des échantillons deux fois par mois en 2019 au cours d’une flambée de poliovirus de type 2 dérivé d’une souche vaccinale. La fréquence de prélèvements d’échantillons est désormais ramenée à une fois par mois comme le recommande la norme. Certains pays adoptent la surveillance environnementale systématique pour recueillir des informations vitales sur la poliomyélite. Plus l’échantillonnage est régulier et plus les données sont fiables.
« Chaque site dispose d’un temps de collecte optimal en fonction du débit des eaux usées », explique Bornface, l’un des membres de l’équipe de surveillance.

« À Kaunda Square, c’est de 9 h 30 à 10 heures. » Les heures de collecte sont déterminés par les équipes de l’Organisation mondiale de la Santé en Zambie et varient en fonction de la proximité des maisons et des heures de pointe d’écoulement des eaux usées. Certains sites peuvent également poser problème du fait de la pollution chimique. « Nous sommes particulièrement prudents pendant la saison des pluies. L’eau devient trop diluée. Il ne faut donc pas prélever d’échantillons s’il pleut dans les dernières heures », explique M. Bornface.
Les eaux usées sont versées dans une bouteille qui est scellée, désinfectée et placée dans une boîte réfrigérante destinée au laboratoire de virologie.

Il est primordial de mobiliser une équipe de trois personnes pour éviter la contamination croisée. « Je collecte l’échantillon pendant que Mulenga (un autre membre de l’équipe) prépare la glacière et remplit le formulaire », explique Bornface.

Bornface et Mulenga sont tous deux originaires de Kitwe, une ville minière industrielle de la région de Copperbelt en Zambie. Ils ont étudié ensemble les technologies relatives à la santé environnementale et travaillent désormais de concert pour le programme de lutte contre la poliomyélite de Lusaka.
« L’une des seules (rares) fois où nous avons eu un échantillon rejeté, c’était à cause d’une pénurie de boîtes réfrigérantes », souligne M. Mulenga. « Ce jour-là, nous n’avions qu’une seule boîte pour couvrir tous les sites. En pressant les quatre bouteilles dans une boîte, une fuite s’est produite pendant le transport. »

Avec une épidémie de choléra annoncée en avril dernier, la COVID-19 et un certain nombre de programmes de vaccination en cours, les équipes se disputent des ressources telles que le matériel et le transport.
Mulenga remplit le formulaire de surveillance environnementale destiné au laboratoire de virologie. Elle note les détails d’identification de l’échantillon comme la température atmosphérique, l’heure et la date. Le laboratoire peut cocher la case « mauvais » échantillon si les informations figurant sur le formulaire ne correspondent pas exactement au contenu du flacon.

Mulenga a été déployée pour la première fois à Lusaka en 2018, pour la riposte à la flambée de choléra qui a fait 114 morts en Zambie. Le district avait été tellement touché qu’il a fallu recruter des agents de santé dans tout le pays.

« C’étaient les sept mois les plus mouvementés de ma vie. Le choléra se propage si vite qu’il faut être proactif, peu importe le moment. Je faisais de la recherche de contacts, je désinfectais des maisons, des sanitaires, mais aussi des corps. Le pire, c’était quand on perdait des enfants. Ces souvenirs sont impérissables », dit Mulenga qui veut maintenant faire la différence grâce au programme de lutte contre la poliomyélite.
Nosiku Sitali Muknatu, superviseur technique de la surveillance environnementale, examine les échantillons. La concentration de poliovirus est plus faible dans les eaux usées environnementales que dans les échantillons de selles, mais Muknatu est encore en mesure de déterminer l’origine d’une souche virale sous sa forme sauvage ou lorsqu’elle est dérivée d’un vaccin.

Le poliovirus dérivé d’une souche vaccinale peut survenir lorsqu’une souche du poliovirus affaibli présent dans le vaccin antipoliomyélitique oral change au fil du temps et commence à se comporter comme le virus sauvage. Bien que rare, ce type de poliovirus touche de plus en plus les communautés où les taux de vaccination sont faibles. Le travail effectué par Muknatu est essentiel pour savoir quelle forme du virus est en circulation.

L’approche à double détente caractérisée par la surveillance de la PFA et la surveillance environnementale reste la clé à actionner pour l’éradication de la poliomyélite. En Zambie, en 2018, seuls 28 % des ménages ruraux avaient accès aux services d’assainissement et un peu plus de la moitié avaient accès à l’eau potable. Et de nouveaux défis sont à venir, le changement climatique provoquant déjà des pénuries d’eau dans les régions du sud du pays.

« Je ne veux plus jamais voir des enfants perdre la vie à cause de maladies que l’on peut prévenir », dit Mulenga en quittant la station de traitement des eaux usées, en retirant ses vêtements de protection et en déliant ses cheveux.
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