Sénégal : Boubacar, un nouvel élan grâce à une prothèse

Dakar – Les technologies d’assistance ne sont pas seulement des dispositifs médicaux. Elles renforcent l’intégration sociale, améliorent la qualité de vie et réduisent les inégalités. Dans la Région africaine, plus de 200 millions de personnes ont besoin d’au moins un produit d’assistance, et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2050. Pourtant, seuls 15 à 25 % d’entre elles y ont accès.

Au Sénégal, selon l’enquête d’évaluation rapide sur la Technologie d’Assistance 2021 (rATA), 62,6 % des personnes qui nécessitent une technologie d’assistance n’y ont pas accès, principalement pour des raisons financières, mais aussi en raison d’inégalités géographiques et de la stigmatisation. C’est pour répondre à ce défi que le Sénégal a lancé en 2023, le projet « Bokk Naa Cii », avec l’appui de Global partnership for assistive technology (ATscale), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF).

Bokk Na Cii est une expression wolof qui signifie « J’en fais partie ». Ce projet qui illustre la notion d’inclusion vise l’amélioration de l’accès aux technologies d’assistance. 

Le programme a pour finalité de créer un cadre politique favorable, d’élargir l’accès aux produits d’assistance, de renforcer la sensibilisation des populations et d’accompagner un plus grand nombre d’enfants et de familles. Il met à disposition des intrants soigneusement sélectionnés, incluant des dispositifs facilitant la mobilité, la communication et les activités du quotidien, contribuant ainsi à lever les obstacles physiques et sociaux rencontrés par les personnes en situation de handicap.

De décembre 2023 à septembre 2025, 127 personnes – 82 hommes, 44 femmes et 3 enfants (1 fille et 2 garçons) – ont reçu des prothèses sur mesure. Grâce à ces équipements, ils retrouvent progressivement autonomie, confiance en eux et liberté dans leur quotidien.

À 15 ans, Boubacar Barry a déjà traversé des épreuves que bien des adultes peinent à imaginer. Très tôt à l’âge de 6 ans, il perd ses deux parents et a été recueilli par sa tante qui vit à Dakar, où il grandit entre résilience et fragilité. En mars 2016, peu après le décès de sa mère, un drame vient bouleverser son existence : une morsure de serpent survenue dans son village natal de Telmile, à environ 200 km de Conakry, conduit à l’amputation de sa jambe droite. Le petit garçon fait face à des obstacles pour retrouver une vie normale et a dû abandonner ses études.

Pendant neuf années, Boubacar a vécu sans appareillage. La blessure physique était refermée, mais la blessure invisible restait béante. Sans prothèse avec des béquilles peu stables, marcher était une épreuve, aller à l’école un rêve lointain. Il passait ses journées assis, observant de loin les enfants qui se rendaient en classe, se sentant à part. « J’étais triste tout le temps. Je pensais que je ne marcherais plus jamais comme les autres enfants », confie Boubacar, en se rappelant ces années difficiles. Les souvenirs restent autant douloureux pour sa tante Adama. « Il refusait parfois de sortir. Il avait honte. Même aller chercher de l’eau devenait un calvaire. Je le voyais s’éteindre. »
Le destin de Boubacar bascule lorsqu’une vidéo de lui, partagée sur les réseaux sociaux attire l’attention. Le ministère de la Famille, de l’action sociale et des solidarités (MFASS), est alerté et contacte le Centre national d’appareillage orthopédique (CNAO). Très vite, le CNAO, grâce à l’appui du projet Bokk Na Cii, décide de le prendre en charge. « Nous avons immédiatement répondu à cet appel », explique le Dr Seydina Ousmane Ba, Directeur du CNAO. « Chaque enfant a droit à l’espoir. Pour Boubacar, la prothèse, n’était pas seulement un outil médical. C’était la clé qui allait lui permettre de marcher vers l’école, de retrouver sa dignité et de se réintégrer dans la société. »

Grâce à l’accompagnement de l’OMS, le CNAO a déjà bénéficié d’un lot de matériel et de composants orthopédiques, d’une valeur de 110 000 dollars. Cette première dotation, inscrite dans un investissement global de plus de 450 000 dollars, marque le début de l’équipement de la cible des 50 000 enfants et adultes en attente de réadaptation. L’Organisation a aussi soutenu la formation de 61 professionnels de la réadaptation physique afin de renforcer les capacités du centre national et des centres régionaux.
En intégrant le programme de « Bokk Naa Cii », la vie du jeune adolescent a totalement changé. Après une série d’évaluations personnalisées, la prothèse de Boubacar a été fabriquée sur mesure, soigneusement ajustée puis testée. Avec l’aide des spécialistes, il a appris à marcher à nouveau, pas à pas. Ses premiers pas ont été hésitants, mais très vite, la confiance est venue. Les yeux brillants, il s’est tourné vers sa tante :« Tata, regarde, je marche ! » Depuis ce jour, tout a changé.

Boubacar est prêt à reprendre sa vie en main. Désormais chaque matin, le cartable bien accroché à l’épaule, il marche d’un pas assuré vers l’école du quartier et raconte fièrement : « Avant, je restais à la maison, maintenant de je suis heureux de retourner à l’école. Au début, j’ai eu un peu de mal à suivre les cours, mais je fais de mon mieux et mes amis m’aident beaucoup ». L’adolescent inscrit en classe de CE2 a été accueilli à la rentrée par ses camarades d’abord avec curiosité, puis avec enthousiasme. Certains l’aident dans les groupes de soutien scolaire et d’autres l’invitent au football.
Ameth Gadiaga, chef du projet ATscale au sein du bureau de l’OMS au Sénégal, souligne que « le parcours de Boubacar illustre l’impact concret de nos efforts : restaurer la dignité, renforcer l’autonomie et favoriser l’inclusion. Notre objectif est clair : faire en sorte que les technologies d’assistance cessent d’être un luxe réservé à quelques-uns et deviennent un droit pour tous. »
Pour Ousmane Sow, du MFASS, qui a participé au suivi social de Boubacar, son parcours est un exemple inspirant : « Donner accès à une prothèse, ce n’est pas seulement réparer un corps. C’est libérer un potentiel », rappelle-t-il. « Chaque enfant a le droit d’apprendre, de rêver et de contribuer à sa communauté. Investir dans les technologies d’assistance, c’est un acte d’équité. »

Aujourd’hui, Boubacar ne se définit plus par son handicap. Il est un élève motivé, un ami rieur, un jeune épanoui. Sa démarche, encore parfois hésitante, est celle d’un adolescent qui avance, littéralement et symboliquement, vers un avenir qu’il croyait perdu.
« Je croyais que mon neveu allait rester dépendant toute sa vie. Grâce à cette prothèse, il a retrouvé une vie normale. Et moi, j’ai retrouvé la tranquillité », confie sa tante Adama d’une voix chargée d’émotion.

À la maison aussi, le changement est palpable. Il participe aux tâches quotidiennes : aller acheter du pain, balayer la cour, plaisanter avec les voisins. Peu à peu, Boubacar retrouve sa place au sein de la famille et de la communauté avec des rêves pleins la tête. « Ma vie a totalement changé et j’en suis vraiment heureux. Je me sens maintenant comme les autres enfants. Je ne suis plus différent. Mon rêve est de faire des études de commerce et d’exceller dans ce domaine. »
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Aïssata SALL

Chargée de Communication
OMS Sénégal
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