Quand le recul du paludisme ouvre la voie au développement socio-économique pour une communauté

Quand le recul du paludisme ouvre la voie au développement socio-économique pour une communauté

Chaque année, pendant que la saison des pluies bat son plein et que les conditions environnementales susceptibles de provoquer l’apparition et la recrudescence du paludisme sont réunies, l’Association islamique de Développement communautaire « Sopey Mouhamed » (AISM-PSL), implantée dans le village de Thiénaba, dans la communauté rurale du même nom, située dans la région de Thiès, à environ 80 km de Dakar, organise le « Mois du Paludisme ».

Cette période de forte mobilisation sociale est marquée par l’intensification des activités d’information et de sensibilisation sur le paludisme et par le renforcement des mesures de prévention afin d’éviter que l’ennemi qui a déjà subi un sérieux revers ne reprenne le dessus.

Choisis pour être respectivement la Marraine et le Parrain du « Mois du Paludisme », célébré cette année au mois de septembre 2102, le Représentant de l’OMS au Sénégal, le Dr Alimata Jeanne Diarra-Nama, et le Coordonnateur du PNLP, le Dr Mady Bâ, ont tenu à rehausser de leur présence la cérémonie de clôture qui s’est déroulée le 02 octobre à Bangadj un des 73 villages encadrés par l’AISM. Ils étaient accompagnés du Conseiller chargé de la lutte contre le Paludisme, le VIH/sida et la Tuberculose et le Conseiller chargé de la Promotion de la Santé du Bureau OMS pays.

Ils ont été accueillis par le Président de l’AISM, le Chef du village et Président du Conseil de village de Bangadj, la Coordonnatrice des Comités de salubrité et des Caisses de Solidarité, le « Président de la République des Clubs Faire Reculer le Paludisme » et les membres de son Gouvernement, dont le Ministre délégué auprès du Ministre de la Santé chargé de l’Utilisation des Moustiquaires imprégnées au couchage, le Ministre délégué auprès du Ministre de l’Action sociale et de la Solidarité, chargé des Caisses de Solidarité et le Ministre délégué auprès du Ministre de l’Hygiène du milieu, chargé des Comités villageois de Salubrité et du Développement.

«Je suis agréablement impressionnée par l’engagement, le dynamisme et l’esprit de créativité des populations de la zone de Thiénaba et le leadership du président de l’AISM qui, en mettant en oeuvre les interventions efficaces de lutte contre le paludisme recommandées par l’OMS ont obtenu des résultats appréciables dans la lutte contre le paludisme » a déclaré le Représentant de l’OMS au terme des présentations qui lui ont été faites sur les stratégies et les activités de l’association.

Le Dr Diarra-Nama a souhaité que les bonnes pratiques notées en termes d’organisation, de participation communautaire et d’auto- financement soient mises à l’échelle au niveau du pays et partagées dans la sous-région. Très touchée par sa désignation, séance tenante, comme Présidente d’honneur de l’AISM, le Dr Diarra-Nama a accepté avec plaisir cette distinction et promis d’apporter tout son soutien aux activités de cette structure communautaire.

Au nom du Ministre de la Santé et de l’Action sociale, le Coordonnateur du PNLP, le Dr Mady Bâ, a adressé ses félicitations à l’AISM et aux populations des 73 villages dont la mobilisation et la persévérance dans la lutte contre le paludisme se sont traduites par la quasi-disparition de la maladie dans la zone. C’est ainsi que, depuis le mois de janvier 2012, seulement deux cas autochtones de paludisme simples ont été enregistrés au niveau du poste de santé du village de Bangadji peuplé de 1700 habitants.

Le Dr Bâ a également salué la complémentarité de l’action des services de santé avec celle des communautés, conformément aux recommandations et stratégies promues par le PNLP. En guise d’encouragement, il a remis au président de l’AISM un don de 100 moustiquaires imprégnées à longue durée d’action.

La réduction drastique des cas de paludisme au niveau des 73 villages encadrés par l’AISM est le fruit de la mise en oeuvre de plusieurs stratégies depuis plus d’une décennie. Elle représente une victoire importante pour les populations, les autorités sanitaires et administratives locales quand on sait qu’il y a quelques années la maladie faisait des ravages, chez les enfants et les femmes enceintes en particulier, et était la bête noire des paysans durant l’hivernage, entraînant dans son sillage la baisse de la production agricole et la malnutrition. Pour en arriver là, il a fallu relever les défis de l’ignorance, du manque de ressources, de l’absence d’organisation et du fatalisme des populations.

En 1999, pour avoir perdu sa fille de 12 ans, fauchée par le paludisme à 10 jours de la rentrée scolaire, le Président de l’AISM, Mr El Hadji Diop a déclaré la guerre au moustique qu’il considère depuis lors comme l’ennemi public numéro 1. En août 2000, il organise avec le district sanitaire, le service d’hygiène, les autorités administratives, des leaders communautaires et habitants de son village natal, Thiénaba, une journée d’études sur le mode de transmission du paludisme et les moyens de prévention. Ces informations furent ensuite disséminées à travers les villages.

C’est la prise de conscience par la population qu’elle pouvait agir contre le paludisme qui a motivé les 39 villages de la communauté rurale de Thiénaba à mettre en place, en 2001, 14 comités de salubrité et à organiser la première « Semaine rurale de lutte contre le paludisme ». Par effet multiplicateur, plusieurs autres villages des deux autres communautés rurales du district sanitaire de Khombole ont rejoint la dynamique communautaire de lutte contre le paludisme, portant le nombre de localités touchées à 73.

Les Comités de salubrité sont composés de femmes qui mènent des opérations de lutte contre les gîtes larvaires en gardant propre les habitations, les places publiques, le poste de santé, l’école et le marché durant toute l’année par des activités de nettoiement organisées tous les lundis.

Selon la dame Sokhna Niang, Coordonnatrice des Comités de salubrité, la cotisation hebdomadaire individuelle de 250F et les amendes payées par les personnes qui n’utilisent pas régulièrement la moustiquaire imprégnée ou sont absentes aux activités de salubrité servent à alimenter les Caisses de solidarité des villages créées pour venir en aide aux cas sociaux dans l’achat de médicaments, de moustiquaires ou en cas de sinistre.

Si les femmes, à travers les Comités de salubrité, constituent la tête de pont de la croisade contre le paludisme dans le district sanitaire de Khombole, elles sont soutenues dans leur action par les Conseils de villages, dirigés par les chefs de villages, avec comme membres les adhérents des Groupements de promotion féminine, les jeunes, les agents de santé communautaires, les relais, l’Imam et les enseignants. Les Conseils de village orientent et impulsent les activités de prévention du paludisme au niveau de chaque localité et mobilise les moyens matériels et humains nécessaires pour la réalisation de travaux qui dépassent les capacités physiques des femmes, tels que l’enlèvement des hautes herbes, l’élagage des arbres et le drainage des eaux stagnantes durant la saison des pluies.

Deux autres innovations majeures méritent d’être notées dans l’expérience de participation communautaire dans la lutte contre le paludisme à Thiénaba. La première innovation est la « Carte vacancière » mise en place en étroite collaboration avec Mr Mbodj un des enseignants de l’Ecole élémentaire de Bangadj où 232 enfants sont scolarisés.

Selon lui, cette carte vise à surveiller la protection continue des élèves contre le paludisme. En effet, ceux d’entre eux qui vont passer leurs vacances dans des localités hors zone sont dotés d’une « Carte vacancière » qui permet d’enregistrer tout épisode de paludisme, même simple, dont les enfants seraient victimes durant leurs vacances. Une moustiquaire imprégnée qu’ils devront utiliser en permanence leur est également remise. Elle permet, non seulement aux enfants de se protéger et d’éviter de développer la maladie à leur retour, mais aussi, de sensibiliser leurs paires sur son utilité. Un certificat de bonne conduite est délivré à chaque enfant qui rentre de vacances sans développer le paludisme.

La seconde innovation est l’organisation annuelle de la « Foire du Paludisme ». C’est l’un des symboles les plus significatifs de la victoire des populations contre le paludisme. Durant la foire, divers produits agricoles et artisanaux y sont échangés par des femmes et des hommes libérés de la maladie, venant de plusieurs localités de la région de Thiès. Activité génératrice de revenue par excellence, la « Foire du Paludisme » est l’illustration parfaite que le recul du paludisme au sein d’une communauté constitue un facteur important pour le développement socio-économique de celle-ci.

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