L’onchocercose au Burundi, un combat de longue haleine qui porte des fruits

L’onchocercose au Burundi, un combat de longue haleine qui porte des fruits

Bujumbura – « J'ai souffert de l'onchocercose pendant longtemps. A un moment, je ne pouvais plus m'asseoir et je me grattais jusqu'à saigner. J'étais désespérée au point où un jour j'ai même prié Dieu pour mourir. Tout mon corps était plein de pus » raconte Tamari, 68 ans, se remémorant ces années de souffrance. Cette grand-mère de trois petits-enfants et mère de deux enfants, habitante de la province de Cibitoke au nord-ouest du Burundi, une région endémique de l'onchocercose.

L'onchocercose encore appelée la cécité des rivières touche encore aujourd'hui plus de 2,1 millions de Burundais, soit près de 17 % de la population. Cette maladie tropicale négligée sévit particulièrement dans 12 districts sanitaires sur les 49 que compte le pays, notamment dans les régions de Bubanza, Bugarama, Bukinanyana, Bururi, Cibitoke, Gihofi, Mabayi, Makamba, Mpanda, Rumonge, Rutana et Rutovu.

Le Burundi a engagé depuis les années 1950 une lutte acharnée contre l’onchocercose quand les premiers cas ont été notifiés dans le pays. Les études parasitologiques et entomologiques menées entre 1979 et 1987 ont permis de déterminer l'endémicité de la maladie, ouvrant la voie aux premiers traitements à l'Ivermectine en 1990.​​​​​​​​​​​​​​​​ 

Des résultats encourageants ont été obtenus avec le traitement l'Ivermectine, mais pas assez pour les ambitions du pays. La cartographie épidémiologique rapide de l’Onchocercose menée entre 2001 et 2005 a montré que la prévalence des porteurs des nodules de l’onchocercose variait entre 0,3 à 83,3 %. Ainsi en 2005, le Burundi a initié des campagnes annuelles de traitement de masse à l'Ivermectine, couvrant 371 collines et communautés. Depuis lors, la couverture thérapeutique n’a cessé d’augmenter jusqu’à atteindre le seuil de 80% à partir de 2010 et ont été maintenues à 100% jusqu’en 2024. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) accompagne cette initiative en fournissant un appui technique, financier et les médicaments nécessaires. L'Organisation appuie également la mobilisation de tous les acteurs, au-delà du secteur de la santé, afin d'optimiser l'impact des interventions contre les maladies tropicales négligées par une collaboration intersectorielle effective et efficace. Grace à cet appui, l’enquête pré-arrêt du traitement de masse contre l’onchocercose menée en 2023 dans 15 collines réparties dans 8 districts sanitaires, a montré des résultats encourageant avec 12 collines affichant une séroprévalence quasi nulle avec seulement 3 collines présentant des taux compris entre 1 et 2%.

« Eliminer l’Onchocercose au Burundi, c’est redonner le sourire à des milliers de malades et leurs proches. L’OMS se réjouit de voir des malades retrouver la bonne santé et reprendre les activités socioéconomiques. » explique le Dr Dieudonné Nicayenzi, responsable technique en charge du programme paludisme, les maladies à transmission vectorielle et tropicales négligées au bureau pays de l’OMS au Burundi.

D’après les recommandations de l’OMS, après plus d’une dizaine d’années de traitement contre l’onchocercose, la prévalence est mesurée chez les enfants de moins de 10 ans. Ainsi, sur 1504 enfants examinés en 2024 dans les 12 districts sous traitement, seuls 6 enfants étaient testés positifs soit une séroprévalence 0,4 %, a indiqué Dr Victor Bucumi, directeur du programme national intégré de lutte contre les maladies tropicales négligées et la cécité au Burundi.

Le centre de santé de Rugombo dans la province de Cibitoke, ne reçoit plus de patient souffrant de cette maladie, alors qu’avant la mise en place du traitement à l'Ivermectine sous directives communautaires en 2005, Rugombo faisait partie des localités endémiques à l’onchocercose. 

« Après 20 ans de traitement, il n'y a plus de cas notifié d’onchocercose dans notre centre de santé », affirme Julien BIGIRIMANA, technicien de promotion de santé au centre de santé de Rugombo. Il n’est d’ailleurs pas le seul à saluer les résultats de ces distributions de masse ; Tamari se réjouit de retrouver une vie normale et les séquelles de l’onchocercose restent un souvenir lointain, « j’aimerai dire merci au programme qui distribue ces médicaments car aujourd’hui je ne me gratte plus grâce aux médicaments qu’on nous donne régulièrement. » conclut-elle. 

Sur le terrain, les agents de santé communautaires (ASC) constituent la cheville ouvrière de cette lutte. Parcourant parfois jusqu'à deux heures de marche pour récupérer leur kit de distribution (mectizan, toises, registres, fiches), ils assurent la distribution soit en porte-à-porte dans les zones urbaines et semi-urbaines, soit via des points fixes chez les chefs de secteur pouvant regrouper 10 à 100 maisons dans les collines ou villages difficilement accessibles. Ces ASC ont également la charge de la mobilisation sociale à travers des communications dans la communauté afin de toucher le maximum de personnes. Ces communications se font également dans les églises, mosquées, etc.

Pourtant, des obstacles persistent. Les agents de santé manquent parfois des équipements de transport et de conservation des outils de collecte des données et autres intrants.  La centralisation et la digitalisation des données au niveau communautaire se heurtent à des ressources financières limitées, souligne le Dr Bucumi. « Ce manque de fonds suffisants entraine une faible motivation des agents de santé communautaires », ajoute le Dr Nicayenzi, responsable de la lutte contre les maladies tropicales négligées au bureau pays de l’OMS au Burundi.

Pour surmonter ces défis, l'OMS mise sur une intensification de la mobilisation des ressources, tant gouvernementales que partenariales, allouées à la lutte contre l'onchocercose. Elle promeut également l'intégration dans la lutte contre les maladies tropicales négligées dans le contexte actuel de ressources limitées.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir