Protéger les communautés pour éliminer la filariose lymphatique au Kenya

Nairobi — Au Kenya, l’administration massive de médicaments menée régulièrement protège une nouvelle génération contre les effets de la filariose lymphatique, ou éléphantiasis, une maladie tropicale négligée qui touche le système lymphatique. Elle peut entraîner un gonflement anormal de certaines parties du corps, avec douleurs, handicaps sévères et stigmatisation sociale.

En 2000, le Kenya a lancé son programme national d’élimination de la filariose lymphatique, à la suite de la création du Programme mondial de l’OMS pour mettre fin à la maladie. Le programme repose sur deux volets essentiels : arrêter la transmission grâce à l’administration massive de médicaments et soulager les personnes touchées par des soins et une prévention du handicap.

Avec l’appui de l’OMS en matière de formation, de supervision et de coordination aux niveaux national et des comtés, le Kenya a mené des campagnes d’administration massive de médicaments capables de répondre aux préoccupations des communautés et de suivre de près les progrès vers l’objectif d’élimination fixé pour 2027.
 

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Nyashe Shee, 67 ans, vit sur l’île de Ndau, dans l’archipel de Lamu, au large de la côte est du Kenya. Malgré la tranquillité de son environnement, la majeure partie de sa vie adulte a été un combat. À 18 ans, ses jambes ont commencé à enfler et elle a développé une filariose lymphatique.

La filariose lymphatique est transmise par des moustiques porteurs de vers filariaux, des parasites microscopiques qui endommagent le système lymphatique. La maladie peut provoquer un lymphœdème (gonflement des membres) et une hydrocèle (gonflement du scrotum), souvent accompagnés d’un durcissement de la peau. Elle affecte autant le bien-être physique et mental que la qualité de vie et la capacité à travailler.

« Parfois, j’ai de très fortes fièvres et mon corps est lourd », raconte Shee. « Je ne peux plus aller loin ni faire autant qu’avant. »
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Comme beaucoup de personnes âgées, Shee supporte la charge la plus lourde. Les jeunes, eux, ont été protégés grâce aux efforts du Kenya pour intensifier l’administration de médicaments afin de traiter et, à terme, éliminer des maladies tropicales négligées comme la filariose lymphatique.

Shee vit avec sa sœur, ses nièces et ses neveux, qui l’aident au quotidien. « Avant, je ramassais du bois de chauffage, mais maintenant, je n’y arrive plus. Le seul travail que je peux encore faire, ce sont de petites tâches ménagères », dit-elle.
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La première campagne d’administration massive de médicaments au Kenya a débuté en 2002 dans le comté de Kilifi, avant de s’étendre progressivement aux autres comtés côtiers, notamment Kwale, Tana River, Lamu et Mombasa.
Depuis 2015, le pays organise des campagnes annuelles, même si les premières n’étaient pas régulières. En 2018 et 2019, une trithérapie plus ciblée et efficace a été introduite dans les sous-comtés côtiers de Jomvu, Lamu East et Lamu West.

Ces efforts ont permis d’interrompre efficacement la transmission de la filariose lymphatique. Lors de deux enquêtes récentes menées dans les zones à risque, aucune microfilaire (larve immature des vers parasites) n’a été détectée. Toutefois, certains enfants de villages spécifiques ont été testés positifs aux antigènes sur l’île de Ndau et dans le sous-comté de Jomvu à Mombasa. Par précaution, deux campagnes supplémentaires d’administration massive de médicaments sont donc prévues dans ces villages en 2025 et 2026.

« Je suis vraiment heureuse que les médicaments soient administrés à Ndau. Cela me donne l’espoir que les enfants n’auront pas à souffrir comme moi », déclare Shee.
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Derrière chaque campagne se trouve un processus soigneusement coordonné. Les équipes du ministère de la Santé du comté, avec l’infirmière en chef du dispensaire local, comptent et notent chaque comprimé pour assurer un suivi rigoureux et transparent. Les médicaments sont ensuite remis aux agents de santé communautaires, qui les distribuent de porte à porte pendant la campagne.
Pendant l’administration massive de médicaments, les agents communautaires enregistrent les prises, les refus et les cas de lymphœdème ou d’hydrocèle observés.
Ces données sont compilées au niveau du village, agrégées par les superviseurs et responsables de l’information médicale, puis transmises à une base centrale où elles sont analysées par âge et par sexe pour suivre la couverture.
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Adlai Ismail, responsable des dossiers de santé et chargé des informations dans le nord-est du comté de Garissa, vit désormais à Faza, une petite ville de l’archipel de Lamu.

Pendant les campagnes, il coordonne la collecte des données et participe aux séances d’éducation communautaire sur le rôle des médicaments et les risques liés à la filariose lymphatique.
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« Nous rencontrons aussi des personnes qui refusent le médicament et nous leur expliquons pourquoi le traitement est important », explique Ismail. « Nous les rassurons sur la sécurité et l’approbation du médicament. Une fois qu’ils ont compris, ils le prennent sans hésiter. »

À la fin de la journée, lorsque la marée est basse et que le bateau ne peut pas atteindre la côte, Ismail traverse parfois les eaux peu profondes à pied pour rentrer chez lui.
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L’engagement des autorités locales et la mobilisation des communautés ont permis au Kenya de dépasser régulièrement le seuil de couverture de 65 % recommandé par l’OMS.

Grâce à ces efforts, le nombre de personnes nécessitant l’administration massive de médicaments est passé de quatre millions à moins de douze mille, concentrées dans quelques villages où un traitement ciblé reste nécessaire.

Selon les enquêtes menées en 2021, les taux d’infection ont diminué dans le comté de Lamu, passant de 0,5 % à 0,2 %, et ont été divisés par deux dans le sous-comté de Jomvu, atteignant 0,7 %. Ces résultats montrent que le Kenya est en bonne voie pour éliminer la filariose lymphatique d’ici 2027.

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Pour Fatouma Bwana, habitante de Ndau, qui a reçu les médicaments de son neveu Mustafa, agent communautaire, les avantages sont évidents.

« J’ai pris le médicament pour me protéger contre cette maladie. C’est une bonne chose, ces médicaments nous aident vraiment. Ils préviennent le gonflement des jambes, qui a touché beaucoup de gens ici », dit-elle.
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Dans le cadre du Projet spécial élargi pour l’élimination des maladies tropicales négligées (ESPEN) dans la Région africaine, l’OMS aide le Kenya à garantir un approvisionnement régulier en médicaments essentiels, à améliorer la collecte et le suivi des données en temps réel et à intégrer ces interventions dans les soins de santé primaires.

Des outils comme ESPEN Collect, une plateforme mobile gratuite, permettent aux équipes de santé de collecter et d’analyser les données sur les maladies tropicales négligées afin d’améliorer la prise de décision au niveau des programmes.

L’OMS offre également un appui technique spécialisé pour harmoniser les interventions aux priorités nationales, notamment à travers le Plan directeur national 2023–2027.

« L’OMS est fière d’accompagner le Ministère de la Santé du Kenya dans ses efforts visant à éliminer la filariose lymphatique et d’autres maladies tropicales négligées, en veillant à ce que les communautés soient en meilleure santé et mieux protégées pour l’avenir », déclare la Dre Adiele Onyeze, Représentante par intérim de l’OMS au Kenya.

Twahuru Dau, 33 ans, agriculteur de mangrove sur l’île de Ndau, se réjouit pour les jeunes qui reçoivent les médicaments. Selon lui, cela les épargnera des souffrances des générations précédentes.

« Lorsque moins de personnes sont atteintes de ces maladies, cela aide toute la communauté. Plus de personnes peuvent pêcher ou récolter des mangroves et soutenir leur famille », dit-il.
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