En RDC, une lutte soutenue contre les violences basées sur le genre au milieu des tabous

En RDC, une lutte soutenue contre les violences basées sur le genre au milieu des tabous

Mbuji-Mayi – Depuis toute petite, Gracia* vivait chez son oncle dans un quartier de Mbuji-Mayi, la capitale de la province du Kasaï-Oriental en République Démocratique du Congo (RDC). A 16 ans, son quotidien était celui d’une adolescente ‘normale’ : elle allait à l’école, puis revenait à la maison et passait du temps en famille, aidait avec les travaux ménagers et révisait ses leçons. A la maison, il y avait l’épouse de son oncle, ses cousines, et son deuxième oncle, un étudiant de 30 ans : tous se partageaient un trois pièces, deux chambres et un salon. La nuit, Gracia partageait une des chambres avec ses trois cousines, une pièce sans porte avec juste un rideau qui donnait sur le salon où son autre oncle avait l’habitude de passer la nuit.

Un soir de mai, à l’occasion d’une réception familiale, ce dernier a profité pour glisser des somnifères dans le verre de Gracia. A son réveil, sa vie d’adolescente insouciante avait basculé : « Cette nuit-là, je suis allée au lit comme d’habitude mais quand je me suis réveillée, je saignais et il y avait du sperme sur mes vêtements. » Choquée et désemparée, Gracia s’est tournée vers sa famille espérant avoir du réconfort et être soulagée, mais ce fut peine perdue. « Personne ne m’a écoutée et je n’ai eu aucun appui dans ma famille. La femme de mon oncle, en particulier, m’a fait comprendre que ce n’était pas un sujet à aborder. Pire, les doigts étaient maintenant pointés vers moi, et j’étais devenue responsable de ce qui m’était arrivé. Je ne me suis jamais sentie aussi seule dans ma vie. »

Déçue et traumatisée, Gracia a fini par entrer en contact avec Yvonne Ngoyi, directrice de l’Union des Femmes pour la Dignité Humaine (UFDH), une ONG qui fournit aux victimes de violences sexuelles une prise en charge médicale et un accompagnement psychosocial dans le Kasaï Oriental. Yvonne a vu beaucoup de cas comme celui de Gracia, mais elle sait que la plupart restent dans l’ombre. « Dans notre société et surtout dans cette région, les violences sexuelles ne sont presque jamais dénoncées et les victimes trouvent rarement une voie de recours. Lorsque Gracia est venue à nous, elle était traumatisée et ne savait pas vers où se tourner. Le viol intrafamilial qu’elle a subi est une situation encore plus complexe car cela reste un tabou dans les familles. Grâce à notre intervention, elle a reçu un traitement d’urgence et l’oncle a été mis aux arrêts. Nous l’avons ensuite assistée pour surmonter ce qui lui est arrivé. »

En RDC, la pandémie de COVID-19 a exacerbé le fléau de violences physiques et sexuelles sur les filles et les femmes. Approximativement 27 000 cas de Violence Basée sur le Genre (VBG) ont été déclarés et pris en charge dans les structures médicales au cours des six premiers mois de l’année 2020, une année particulièrement marquée par l’état d'urgence sanitaire décrété contre la pandémie. Sur les vingt-six provinces du pays, seize ont connu une augmentation sans précédent des violences basées sur le genre cette année-là, comparé à l’année précédente. La province où intervient Yvonne Ngoyi, le Kasaï Oriental, a connu par exemple une hausse de 68% des cas de VBG en comparaison à 2019. Pour le Kasaï Central, la hausse était de 87%.

Face à cette situation, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a appuyé le gouvernement pour mieux armer les prestataires qui œuvrent sur le terrain. Au moins 35 formateurs nationaux et 446 prestataires ont ainsi été formés de février à mars 2020, sur le soutien de première ligne et la gestion clinique des femmes et des filles qui subissent des violences sexuelles.

Pour Dr Brigitte Kini, chargée du Programme de la Santé de la Mère et de l’Enfant au Bureau de l’OMS en RDC, ces séances de renforcement des capacités sont une base indispensable pour permettre aux acteurs de mieux assister les victimes de ces violences. « A travers ces formations pratiques, nous améliorons les capacités opérationnelles des acteurs impliqués dans la lutte contre les VBG afin de leur permettre d’être mieux outillés et d’agir de la meilleure manière face aux cas de violences faites aux filles et aux femmes. La violence sexuelle sur les filles et les femmes est si poignante qu’il est essentiel que les acteurs sachent comment gérer ces cas-là de manière professionnelle. »

Yvonne Ngoyi fait partie des acteurs ayant bénéficié des formations : « Lors des séances, nous avons été face à des cas d’étude qui ressemblaient en tous points aux cas que nous gérons au quotidien. Cette formation m’aura permis de mieux comprendre le rôle clé qui est le mien, et d’appliquer des méthodes ayant fait leurs preuves auparavant pour l’intérêt des filles et des femmes que nous recevons. En démultipliant cette formation à mon équipe, je vais m’assurer que tous ceux qui sont en contact avec des victimes de ces violences font ce qu’ils doivent faire, en ne causant pas de détresse additionnelle à ces personnes. »

En plus de ce renforcement opérationnel, l’OMS appuie aussi la lutte en termes de prise en charge des victimes. L’Organisation a ainsi fourni plusieurs dizaines de kits de PEP (Post Exposure Prophylaxis en anglais) aux structures de soins. Pris à temps, c’est-à-dire dans les 72 heures suivant l’agression, ces médicaments protègent les personnes victimes de violences sexuelles et exposées aux infections sexuellement transmissibles telles que le VIH sida d’être contaminées. « Nous voulions être sûrs que les structures sanitaires en disposent pour les victimes de viols », explique Dr Kini.

Mimie Bikela Mundele est l’officier en charge de la Protection de l’enfant et de lutte contre les VBG à la Police Nationale Congolaise, basée à Kinshasa. Elle est particulièrement touchée par les cas de violences sexuelles intrafamiliales, qui sont en hausse constante : « Pendant la période de confinement dû à la COVID-19, nous avions recueilli beaucoup de témoignages, et enregistré un nombre croissant de cas de VBG dans les familles, notamment des violences physiques et sexuelles », explique-t-elle. « Tout au long de l’année, notre unité a enregistré des dizaines de cas de violences physiques conjugales. Imaginez toutes ces femmes, battues, violées à l’intérieur de la famille ! Cela est inacceptable et chaque acteur doit jouer son rôle pour en finir avec ce problème dans notre pays », estime Bikela Mundele.

Dr Brigitte Kini abonde dans le même sens. « La collaboration entre tous les partenaires est essentielle si nous voulons mener un combat efficace contre les VBG. Nous tenons à saluer l’engagement de l’UNFPA et des autres acteurs, et nous savons que notre lutte est commune. Ensemble, nous réussirons à faire que chaque fille et chaque femme vive une vie sans peur et sans violence dans notre pays. »

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* Son nom a été changé

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