En première ligne de la lutte contre le diabète au Sénégal

En première ligne de la lutte contre le diabète au Sénégal

Dakar – Le Sénégal, comment beaucoup de pays africains, supporte le fardeau de plus en plus pesant du diabète. Alors que des efforts sont entrepris pour améliorer la prévention, le soin et le traitement, la Professeure Maïmouna Ndour Mbaye, cheffe de l’unité de médecine interne à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et directrice du Centre national de lutte contre le diabète Marc Sankalé, relève que le renforcement du contrôle du diabète au Sénégal doit s’appuyer sur un programme national solide. La riposte doit impliquer tous les secteurs de la société, jusqu’aux individus qui jouent un rôle préventif crucial en adoptant des pratiques saines.

Vous êtes en première ligne de la lutte contre le diabète. Quelles sont les tendances et les difficultés ?

La progression du diabète au Sénégal est semblable à celle du reste du monde. Bien que la collecte de données n’est pas faite systématiquement, la première étude à l’échelle nationale effectuée en 2016 a montré une prévalence de 3,4 % chez les personnes âgées de 18 à 69 ans et de 7,9 % chez les plus de 45 ans.

Les statistiques hospitalières, notamment celles du Centre national de lutte contre le diabète, donnent aussi une bonne idée de la progression : dans les années 1980, 200 nouveaux cas en moyenne étaient signalés chaque année. Depuis 2005, ceci a augmenté jusqu’à près de 2500 nouveaux cas par an. A l’heure actuelle, près de 60 000 patients diabétiques de toutes les villes du Sénégal, et même des pays voisins, sont suivis.

Le nombre de consultations a augmenté de plus de 20 % entre 2018 et 2019. En 2020, ce nombre a considérablement chuté du fait de la pandémie de COVID-19.

La progression rapide du diabète est l’un des principaux défis du Centre national de lutte contre le diabète, dont la capacité de gestion des cas a été largement dépassée. Ceci a un impact sur la qualité des soins du patients : au lieu de faire des examens tous les deux ou trois mois tel qu’il est recommandé, nous ne pouvons fournir que deux ou même une seule consultation par an.

Au niveau national, malgré les efforts de décentralisation des soins et de formation des professionnels de la santé, les ressources humaines restent insuffisantes et il existe un manque d’infrastructures et d’équipement pour des soins adaptés du diabète et de ses complications.

Le Sénégal n’a pas de programme national de lutte contre le diabète, mais plutôt une division des maladies non transmissibles au sein du Ministère de la santé. Des normes et des protocoles ont été développés pour améliorer la gestion de cette maladie et de ses facteurs de risque. Plusieurs activités sont menées, mais les projets sont financés par des donateurs et font souvent face à des difficultés récurrentes de durabilité dans la mesure où il n’y a pas de financement domestique de la mise en œuvre des stratégies.

Comment la COVID-19 complique-t-elle la situation pour les personnes diabétiques ?

La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation. Les statistiques montrent que le diabète et l’hypertension sont les comorbidités les plus fréquemment associées aux décès des patients hospitalisés pour la COVID-19. L’impact émotionnel et psychosocial est énorme chez les patients diabétiques.

La pandémie a provoqué des perturbations considérables dans les services de soins du diabète et des maladies non transmissibles en général. Les infrastructures et le personnel de soin ont été affectés à la riposte à la COVID-19. Par exemple, dans notre département de diabète, 20 lits sur 40 ont été affectés aux cas de COVID-19. Des activités considérées comme non urgentes, telles que le contrôle systématique des complications chroniques du diabète, ont été repoussées, y compris les rendez-vous de suivi.

En quoi le Sénégal a innové dans sa riposte à la maladie ?

Pour faire face à ces défis, des approches innovantes ont été mises en œuvre, même avant la pandémie de COVID-19. Le Sénégal est le premier pays en Afrique francophone à mettre en œuvre le programme mondial BeHealthy BeMobile (Soyez en bonne santé, soyez actifs) pour améliorer la gestion du diabète. C’est le projet mDiabète, qui consiste à utiliser les téléphones portables pour fournir des messages simples de prévention du diabète à la population. En 2014, la plateforme mDiabète a été utilisée pour envoyer des millions de messages de prévention contre l’épidémie d’Ebola et elle a aussi été utilisée pendant la pandémie de COVID-19. Ce programme a été évalué et il a été montré qu’il améliore le contrôle de la glycémie des bénéficiaires.

D’autres projets de télémédecine sont en cours : des consultations à distance pour certains patients depuis le début de la pandémie, un télé-examen pour la rétinopathie diabétique, l’apprentissage en ligne pour les professionnels de la santé.

Qu’est-ce que le pays doit faire de plus pour que le diabète soit sous contrôle ?

Il est possible de faire plus. Il y a un besoin de mettre en place un programme national de lutte contre le diabète avec des stratégies, des objectifs et des financements. Nous devons également renforcer la prévention et la surveillance épidémiologique du diabète et des maladies non transmissibles. Les moyens clés pour améliorer le contrôle du diabète nécessitent une meilleure coordination des interventions et l’adoption d’une approche multidisciplinaire et multisectorielle impliquant le gouvernement, les fournisseurs de soins de santé, les patients diabétiques, la société civile, l’industrie pharmaceutique et alimentaire, et les professionnels de la communication. Nous devons aussi renforcer notre système de gestion des maladies chroniques de façon à pouvoir assurer la continuité des soins tout en faisant face à des urgences comme la COVID-19.

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