Le combat d’un ex-fumeur contre le tabagisme en Éthiopie

A quitter fights tobacco use in Ethiopia
Lors de leur premier rendez-vous galant, Amsale Beyene Ashagre était loin de se douter que Wondu Bekele Woldemariam était un fumeur. Elle l’aurait très probablement envoyé promener. « J’ai toujours eu le tabac en horreur », raconte-t-elle.

Malgré l’odeur furtive de fumée qu’elle avait pu percevoir de temps en temps, ils ont continué à se voir. Lorsqu’elle a découvert qu’il fumait, elle s’était déjà éprise de lui. Elle s’accommodait de lui, mais pas de ses cigarettes. « J’ai essayé de le supplier, de le taquiner, de lui fixer des limites et de lui interdire de fumer dans certains coins de la maison », se souvient-elle.
C’est au cours de la période de leurs premières chamailleries à propos de la cigarette que Wondu a décroché un emploi de responsable de l’administration et des ressources humaines dans l’unique entreprise de tabac d’Éthiopie.

Pendant 14 ans, Wondu a continué de fumer et de gagner un salaire grâce au tabac (il avait commencé à fumer 11 ans plus tôt, alors qu’il était adolescent).

Même après qu’Amsale et lui (avec d’autres) eurent fondé la Mathiwos Wondu-YeEthiopia Cancer Society, en hommage à leur fils décédé à l’âge de 4 ans d’une leucémie lymphoblastique aiguë, Wondu a conservé son addiction et son emploi. Cette association de lutte contre le cancer avait été créée avec pour objectif « d’aider les autres malades du cancer par tous les moyens possibles et de lutter contre le fardeau croissant du cancer en Éthiopie ».
Enfin le sevrage
Était-ce l’ultimatum de sa femme ou la peine que celle-ci endurait ? Étaient-ce les informations glanées sur le cancer pendant la maladie de son fils ? Ou encore le dilemme auquel il faisait face, entre diriger une association de lutte contre le cancer et en même temps fumer et travailler pour un fabricant de tabac ? Quoi qu’il en soit, dès l’année qui a suivi la disparition de son fils, Wondu a arrêté de fumer et de travailler pendant six ans.

« Pendant la maladie de mon fils, j’ai beaucoup lu sur le cancer, les facteurs de risque et les thérapies. C’est alors que j’ai découvert le risque que représente le tabac pour le consommateur et les autres », confie-t-il. « J’ai commencé à réduire ma consommation de cigarettes. Lorsque je fumais, je le faisais à l’extérieur de la maison. Puis, ma femme a même fait de notre propriété une zone non-fumeur et m’a interdit complètement de fumer à la maison, jusqu’au jour où elle m’a lancé : « ce sera le tabac ou moi ». »
« J’ai dû recourir à cette menace car elle était la dernière carte dont je disposais », se souvient Amsale avec un sourire narquois. « Je ne pense pas que je l’aurais réellement quitté, mais je le lui ai fait croire. Et à ma grande surprise, il a arrêté. C’était un baume de soulagement pour mon cœur brisé et meurtri : il faisait ainsi non seulement preuve de courage et de force, mais me confirmait à nouveau son amour et son dévouement. Plus que tout, je me suis sentie aimée. »

Le changement dans leur vie de famille après qu’il a arrêté de fumer a été radical, se souvient Amsale. « De la disparition des odeurs dans la maison à l’absence de disputes au sujet de son addiction, en passant par l’assurance de la santé de mon mari et, comme je l’apprendrais plus tard, de celle de toute la famille. Avant, je me faisais beaucoup de soucis pour la santé de mon mari, son avenir et le nôtre. Maintenant, je ne suis plus à cran. J’avais aussi l’habitude de me préoccuper du mauvais exemple qu’il donnait à nos enfants. Fort heureusement, aucun d’eux ne fume. »
Défenseur exemplaire de la cause anti-tabac dans la communauté
Confrontés à la rareté des traitements anti-cancéreux dans le pays lors de la maladie de leur fils en 2003 et 2004, Wondu et sa femme ont dû importer de l’étranger des médicaments coûteux prescrits par les médecins. C’est alors qu’ils ont réalisé la nécessité pour les parents de faire entendre leur voix en faveur d’une amélioration des soins de santé pour tous les patients atteints de cancer et d’une meilleure prévention du cancer.

Ils débutèrent dans leur domicile à Addis-Abeba les activités de la Société du cancer, qui s’est développée au fil du temps pour compter aujourd’hui 1 500 membres, avec un conseil d’administration, 26 employés à temps plein et 500 bénévoles. Elle a depuis étendu son champ d’action aux maladies non transmissibles. Son bilan affiche la fourniture d’équipements de pointe à un hôpital, la collaboration avec de nombreuses formations hospitalières en vue d’améliorer leur traitement du cancer du poumon et des programmes qu’elle mène sur le cancer infantile, le cancer des femmes et la lutte contre le tabagisme.
En 2014, la Société du cancer a rejoint la Campagne mondiale pour une enfance sans tabac qui œuvre à la réduction du tabagisme et de ses conséquences mortelles. Selon la base de donnés Global Burden of Disease, en Éthiopie, où environ 259 hommes et 65 femmes décèdent chaque semaine de causes liées au tabac, les statistiques officielles indiquent que 7,9 % des jeunes âgés de 13 à 15 ans consomment des produits du tabac. Pour la plupart d’entre eux, le tabac sans fumée représente 6,6 % de la consommation.

Aupravant fumeur et haut-cadre chez un fabricant de cigarettes, Wondu est devenu « un fervent et irréductible militant de la lutte antitabac dans le pays », selon Heran Gerba, directeur général de l’Ethiopian Food and Drug Administration (la structure étatique en charge des aliments et des médicaments). M. Gerba révèle que le gouvernement travaille avec la Mathiwos Wondu-YeEthiopia Cancer Society, ainsi qu’avec M. Wondu et d’autres partenaires, sur un plan triennal de lutte antitabac qui prévoit le renforcement des initiatives de sevrage tabagique.

« La Société et moi-même avons mené un fort plaidoyer en faveur d’une taxe d’accise qui rendrait le prix du tabac prohibitif », explique M. Wondu. Soulignant que 70 % des fumeurs qui consultent un médecin souhaitent arrêter de fumer mais n’y parviennent pas, il estime que « la meilleure solution consisterait à rendre le prix du tabac inaccessible de manière à dissuader les fumeurs potentiels de commencer à fumer et à inciter les fumeurs actuels à réduire leur consommation de tabac ».
En 2011, la Société américaine du cancer a désigné Wondu comme ambassadeur mondial du cancer pour l’Éthiopie. La Mathiwos Wondu-YeEthiopia Cancer Society a reçu en 2019 le prix Warrior Against Cancer de la Fondation Bristol-Myers Squibb et en 2020 le prix de la Journée mondiale sans tabac de l’Organisation mondiale de la santé.

Après 25 ans de tabagisme, arrêter de fumer a été plus facile pour Wondu que pour d’autres. Le décès de son fils cadet lui a fait prendre conscience du bien-être de sa famille et de sa propre santé. Il ne souhaite à personne d’avoir à vivre cette tragédie pour arrêter de fumer.

« Chaque personne doit comprendre qu’elle est responsable de sa propre santé », déclare Wondu. Le tabagisme engendre des maladies non transmissibles et incurables. Chacun d’entre nous devrait donc prendre sa santé en main. Nous avons tous un choix à faire. Disons tous : « Mon corps est trop précieux, non au tabac ». »
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