Préserver la santé des mères et des nouveau-nés au Burundi
Bujumbura, avril 2025 - Le Burundi n’avait jamais connu un tel évènement par le passé : un samedi de décembre 2022, Johari, âgée de 35 ans, a donné naissance à six bébés. Transférée de la ville de Rumonge au sud du pays, elle a été prise en charge à l’hôpital militaire de Kamenge à Bujumbura. « Tout le monde était ébahi le jour de mon accouchement, car c’était quelque chose d’incroyable. Quant à moi, j’étais la plus émerveillée de voir mes enfants venir au monde tous en vie, et j’ai remercié Dieu de m’avoir aussi gardée en vie après une telle expérience. »
Au cours des dernières années, la santé de la mère et de l’enfant s’est améliorée au Burundi. Le pourcentage des femmes enceintes ayant effectué leurs consultations prénatales (CPN) était de 35,9 % en 2021 comparé à 41,7 % en 2023. Parmi les facteurs ayant contribué à ces progrès figurent notamment la sensibilisation à l’importance des consultations et à l’accouchement assisté par un personnel qualifié. A l’attention des communautés, un guide d’auto-soins a été élaboré avec l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), conçu pour orienter la population à identifier les signes de danger, savoir quand consulter et quels sont les gestes à adopter en cas d’urgence.
D’autres progrès ont été réalisés, tel que la réduction des décès maternels. Le nombre de mères ayant malheureusement perdu la vie des suites de la grossesse était de 334 pour 100 000 naissances en 2017, contre 299 en 2023.
Dans le cadre de sa mission d’appui au gouvernement, particulièrement dans le domaine de la santé maternelle et néonatale, l’OMS a en outre renforcé les capacités du personnel de santé, la mise à disposition de matériels et équipements et a appuyé l’élaboration de documents stratégiques.
« Les interventions telles que la mise à niveau des prestataires et la fourniture d’équipements ont positivement contribué à la prise en charge des mères, des femmes enceintes et des enfants. Nous voyons que cela fait une grande différence sur le terrain », explique la Dre Ananie Ndacayisaba, Directrice du Programme national de la santé de la reproduction au Ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida.
Une des structures en ayant bénéficié est l’hôpital militaire de Kamenge. En 2023, l’OMS a fourni entre autres des kits de réanimation néonatale, des aspirateurs électriques, des couveuses, des lits et matelas pour enfants, des lits de réanimation et un incinérateur moderne hybride. Ce matériel a été distribué aux services de néonatologie, de réanimation et de gynécologie. De plus, un incinérateur de dernière génération a été fourni pour améliorer les capacités de gestion des déchets et assurer plus de sécurité aux patients.
Dans le service de néonatologie de Kamenge, le chef du service le Dr Félicien Bivahagumye faisait partie de l’équipe ayant pris en charge l’accouchement sécurisé des sextuplés de Johari. Il se réjouit du matériel qui a tant changé les choses dans son service : « Entre octobre 2024 et avril 2025, nous avons pu traiter avec succès plus de 1200 bébés souffrant de différentes pathologies à la naissance », explique-t-il.
En vue de renforcer ses capacités, il avait également bénéficié avec un infirmer de son service d’une bourse d’un mois offerte par l’OMS grâce à un financement du Japon. Ce séjour a été l’occasion d’en apprendre plus sur l’organisation du service de néonatologie et la réanimation des nouveau-nés, spécialement en ce qui concerne la ventilation non évasive. « Nous avons appris beaucoup de choses qui nous aident à mieux gérer les situations qui se présentent. Quoique des défis persistent, nous sommes à présent en mesure de prendre en charge correctement de très grands prématurés, sachant qu’en situation normale, les bébés naissent à terme entre 37 et 42 semaines », relève le Dr Bivahagumye. La prématurité peut être classée en fonction de l’âge de la grossesse. Les bébés nés avant 28 semaines de grossesse sont de très grands prématurés, les grands prématurés sont nés entre 28 et 32 semaines et les prématurés moyens entre 32 et 37 semaines.
Philomène, 35 ans et mère de 6 enfants a aussi été transférée à l’hôpital de Kamenge après avoir donné naissance à son bébé à 31 semaines, avec un poids d’à peine 1,2 kg. « Quand nous sommes arrivés à l’hôpital, je n’avais aucun espoir que mon fils survivra. Toutefois j’ai été bien accueillie et les médecins étaient aux petits soins de mon fils », confie-t-elle.
De manière générale, dans le cadre du renforcement des soins de santé primaires, l’OMS a doté environ 10 districts sanitaires prioritaires à travers le pays, ayant de faibles performances en termes de mortalité maternelle, d’équipements et de matériels pour la prise en charge des mères et des nouveaux nés dont entre autres des aspirateurs, des appareils de réanimation du nouveau-né et d’anesthésie, des appareils de ventilation, des kits de réanimation néonatale.
« Il s’agit pour nous d’accompagner les efforts du pays à garantir un accès équitable à des services de santé maternelle et infantile de qualité, avec l’objectif de tendre vers la couverture sanitaire universelle », explique le Représentant de l’OMS au Burundi, le Dr Xavier Crespin. Pour maintenir les progrès acquis en faveur de la santé de la mère et du nouveau-né, le Dr Crespin appelle à « continuer à renforcer les capacités des hôpitaux en ressources humaines de qualité et motivées, en matériels adéquats avec un financement plus important dans les investissements de base, et à mettre en place un système de supervision et d’assurance qualité de soins hospitaliers. »
Parmi les six bébés de Johari, quatre ont survécu après leur première année de vie. Johari reste reconnaissante pour la venue au monde sécurisée de ses bébés et pour l’aide dont elle a bénéficié. « L’équipe médicale a été extraordinaire. Ils ont été compétents, ils se sont battus pour nous. Nous avons reçu tous les soins, ainsi que les médicaments dont les enfants avaient besoin. Nous sommes reconnaissants pour les bébés qui nous sont restés. »
Du côté de Philomène, c’est le même sentiment : « Chaque jour, le poids de mon bébé augmente et aujourd’hui je suis confiante qu’il vivra. Je suis reconnaissante pour le matériel qui a pu aider à le sauver, surtout la couveuse qui aide mon enfant à recevoir les soins nécessaires pour grandir. »
Etant tous les jours au contact des nouveau-nés et de leurs mamans, le Dr Bivahagumye entend saisir toutes les opportunités futures pour se perfectionner dans son domaine. « La prise en charge néonatale restera ma passion. Ce qui me fait le plus plaisir dans la vie, c’est de voir un bébé qui naît pesant un kilogramme ou moins, non seulement survivre, mais aussi grandir en bonne santé ! »