Améliorer la qualité de vie des anciens cultivateurs de tabac au Kenya

Nairobi – Depuis le lancement de l’initiative « Fermes sans tabac » en 2022, plus de 9 000 agriculteurs kenyans sont passés de la culture du tabac à d’autres moyens de subsistance.

L’objectif principal de cette initiative est de fournir aux cultivateurs de tabac des moyens de subsistance durables et rentables en les encourageant à produire d’autres cultures vivrières. Cette démarche permet de trouver des solutions aux risques sanitaires liés à la culture du tabac ainsi qu’aux dommages sociaux, économiques et environnementaux qu’elle cause.

L’initiative « Fermes sans tabac » est un projet mondial conjoint de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), des ministères de la santé et d’autres partenaires des Nations Unies. Au Kenya, elle bénéficie d’un soutien de haut niveau des gouvernements nationaux et des comtés.

Au début du projet, l’OMS au Kenya a formé une cohorte de 80 agents de santé communautaires dans l’ouest du comté de Migori afin de sensibiliser les cultivateurs de tabac aux dangers de la culture du tabac et aux solutions de remplacement disponibles. En 2023, le comté de Migori et l’une de ses agricultrices modèles, Sprina Chacha, ont reçu le prix spécial du Directeur général de l’OMS dans le cadre de la Journée mondiale sans tabac.

Depuis lors, 1500 agents de santé communautaires ont été formés et l’initiative s’est étendue à trois autres comtés.
 

Dawin Sionyonyo Lusakia, qui est originaire de Bumula dans le comté de Bungoma, situé dans la région fertile de l’ouest du Kenya, a été cultivateur de tabac pendant plus de 20 ans.

« Le travail était épuisant, et le pire c’était d’impliquer mes enfants. Je ne voulais pas, mais sans leur aide, nous ne pouvions gagner suffisamment pour nous nourrir », se souvient-il.

« Le moment le plus difficile était le processus de mise en paquets des feuilles », poursuit-il. « Les sociétés productrices de tabac avaient des exigences élevées et la pression était forte. Le soir, je cachais mes enfants pour qu’ils aident discrètement à attacher les feuilles. Parfois, ils nous aidaient aussi à les cueillir le dimanche. Je n’avais pas les moyens d’embaucher quelqu’un, alors toute ma famille devait mettre la main à la pâte. »
La culture du tabac demande beaucoup de travail, c’est pourquoi tous les membres de la famille, y compris les enfants, sont impliqués tout au long de la saison, qui dure environ neuf mois. On estime que plus de 1,3 million d’enfants dans le monde sont impliqués dans la culture du tabac et qu’ils manquent souvent l’école pour s’occuper de l’entreprise familiale.

Cependant, le rendement reste marginal. Au Kenya, les cultivateurs de tabac gagnent moins de 110 dollars américains par an et les petits exploitants utilisent souvent toute la surface de leur parcelle pour cultiver du tabac plutôt que des produits vivriers.
Moses Kikulesi, ancien cultivateur de tabac également originaire du comté de Bungoma, se souvient comment sa petite-fille a participé aux travaux agricoles dès le bas âge.

« Avant même qu’elle ne sache marcher, nous l’amenions déjà au champ de tabac et l’allongions sous les feuilles de tabac pendant que nous travaillions », confie Moses. « Ma femme m’aidait au champ et il n’y avait personne à la maison pour s’occuper du bébé. »

« Quand elle a grandi, Neema manquait deux à trois jours d’école par semaine pour aider au champ pendant la saison de cueillette », se rappelle-t-il.
Outre les conséquences socio-économiques de la culture du tabac, les risques sanitaires sont bien connus.

Les agriculteurs souffrent de maladies des voies respiratoires supérieures et de symptômes de la maladie du tabac vert en raison de l’absorption de nicotine par la peau lors de la manipulation de feuilles de tabac humides, de l’exposition à un usage intensif de pesticides et à la poussière de tabac. Les enfants impliqués dans la culture souffrent souvent d’un retard de croissance et de malnutrition.

« Nous avons dû recourir à des produits chimiques puissants pour cultiver le tabac – notamment des pesticides et des engrais coûteux et nocifs. Ils ont causé des maux de tête, de la toux et des problèmes de peau, surtout lorsque nous n’avions pas d’équipement de protection », explique Dawin.
Grâce à l’initiative « Fermes sans tabac », les agriculteurs sont passés du tabac à des cultures comme les haricots à haute teneur en fer, le mil, le haricot mungo et les arachides.

Depuis la transition du tabac aux haricots nyota, riches en fer et en protéines, la vie est bien meilleure pour Moses. « Maintenant, je cultive des produits vivriers, notamment le maïs et des haricots, ce qui est très avantageux et renforce notre organisme. Par ailleurs, lorsqu’ils sont cuits, ils ont un goût très délicieux, et les gens adorent en manger. »
Les agriculteurs gagnent deux à trois fois plus avec ces autres cultures, qui ont également une période de maturation plus courte que le tabac, de sorte qu’elles peuvent être produites pendant plusieurs cycles chaque saison. Ils peuvent vendre leurs produits à des marchés prévisibles et structurés et à des institutions publiques telles que les écoles, les hôpitaux et les prisons. En revanche, les lieux de vente de tabac sont éloignés et il faut dépenser beaucoup pour y arriver. Aussi, les paiements doivent se faire dans les banques situées dans les centres-villes.

« Je gagne plus que ce que je n’ai jamais eu avec le tabac, et le travail est plus facile. Je n’ai plus besoin de faire travailler mes enfants, et je peux même utiliser une partie des haricots pour les nourrir », dit Dawin.
Avec moins de temps passé à travailler dans les champs de tabac et à se déplacer pour le vendre, les agriculteurs peuvent se lancer dans d’autres initiatives entrepreneuriales et rejoindre des groupes d’épargne. Plus important encore, ils assurent eux-mêmes leur sécurité alimentaire et la nutrition de leurs ménages.

Gerald Eroto et sa femme Janet du village d’Ataba dans le comté de Busia, situé également à l’ouest du Kenya, sont passés de la culture du tabac à celle des haricots nyota il y a sept ans.

« Je paie les frais de scolarité grâce aux revenus que me rapportent les haricots », déclare Gerald. « Parfois, je livre même les haricots directement aux écoles en échange d’une partie des frais. »

« Grâce à cela, j’ai aussi pu payer les frais de scolarité de mon fils, qui étudie maintenant dans une université à Embu. »
Pour encourager davantage d’agriculteurs à se tourner vers d’autres moyens de subsistance, l’OMS et ses partenaires organisent régulièrement des réunions de sensibilisation avec les agriculteurs des quatre comtés. Ces rencontres permettent aux agriculteurs de poser des questions, de comprendre les bienfaits en matière de santé et les avantages économiques à long terme d’autres cultures, et de commencer à planifier l’abandon de la culture du tabac. Les agriculteurs partagent également leurs idées sur la culture du tabac, en soulignant leurs expériences sur ses conséquences néfastes sur la santé, la société et l’environnement.

« L’initiative pour des fermes sans tabac a eu un impact important sur les communautés agricoles », déclare la Dre Joyce Nato, responsable technique de la lutte contre les maladies non transmissibles au bureau de l’OMS au Kenya. « Elle permet aux agriculteurs de payer les frais de scolarité, d’accéder aux soins de santé et d’investir dans l’avenir de leurs familles. »
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