Mauritanie : voir pour mieux vivre
Atar – En Mauritanie, l’une des premières causes de déficience visuelle est le glaucome, une maladie chronique et souvent silencieuse. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le glaucome représente 8 % des cas de cécité parmi les 39 millions de personnes aveugles dans le monde, et jusqu’à 15 % des cas en Afrique, où sa prévalence atteint environ 4,3 % de la population. Derrière ces chiffres se cachent des histoires humaines bouleversantes — celles des patients, de leurs familles et des professionnels de santé qui les accompagnent chaque jour.
Au cours des campagnes de sensibilisation menées à travers le pays, les professionnels de santé mettent l’accent sur la nécessité du dépistage précoce des maladies oculaires et sur l’importance de prévenir la cécité évitable.
Ils rappellent que la vue constitue un sens essentiel, qui nous relie à notre environnement, facilite la communication, l’apprentissage et le travail, tout en contribuant à préserver l’autonomie et la qualité de vie de chacun.
À Atar, à plus de 400 kilomètres au nord de Nouakchott, Abdoul*, un gendarme à la retraite d’une soixantaine d’années, ne percevait plus que faiblement la lumière. Il s’est alors décidé d’aller en consultation chez la Dre Zeinabou Habib, ophtalmologue au centre régional. « Il est venu en demandant à être soigné, mais son nerf optique était déjà complètement détruit », explique la médecin. Diagnostiqué d’un glaucome cinq ans plus tôt, le patient avait reçu un traitement à suivre mais ne l’avait pas observé, pensant que les symptômes disparaîtraient d’eux-mêmes. « Nous pouvons remplacer une cornée ou un cristallin, mais le nerf optique, lui, ne se régénère pas », souligne la Dre Habib.
Cette situation tragique illustre la gravité du manque d’information ainsi que la sous-estimation de cette maladie silencieuse, souvent découverte à un stade tardif.
« Un diagnostic précoce, un suivi régulier et une bonne observance du traitement permettent pourtant de préserver la vision et de retarder les complications », souligne le Dr Babacar Dieye, expert en maladies tropicales négligées au bureau de l’OMS en Mauritanie. « À Atar, comme dans d’autres villes du pays, les initiatives conjointes du ministère de la Santé, de l’OMS et de plusieurs fondations locales contribuent à améliorer l’accès aux soins et à offrir des consultations gratuites pour les populations les plus vulnérables. Mais ces efforts restent insuffisants : il faut renforcer le dépistage communautaire, notamment chez les personnes à risque, et accroître la sensibilisation à travers les médias et les consultations médicales. »
En 2025, dans le cadre du programme Services, Personnel, Éducation, Coût et Surveillance (SPECS) 2030, une analyse nationale a été menée sur la situation des services ophtalmologiques dans les 15 régions du pays. Les résultats préliminaires mettent en évidence une pénurie critique de ressources humaines : 80 % des régions ne disposent même pas d’un seul ophtalmologue.
Selon les données provisoires de l’enquête d’Évaluation des établissements de santé et des ménages (HHFA) 2025, la Mauritanie ne compte que 30 ophtalmologues pour l’ensemble du territoire, alors que l’OMS recommande au moins 50, soit un ophtalmologue pour 100 000 habitants. Même dans les zones disposant d’un spécialiste, les infrastructures demeurent insuffisantes.
Voir, c’est vivre. L’OMS lance un appel aux partenaires techniques et financiers afin de renforcer leur appui et de soutenir les efforts du gouvernement dans ce combat de santé publique prioritaire. Préserver la vision, c’est préserver la dignité, l’autonomie et la qualité de vie de chaque Mauritanien.