Une voix forte pour les drépanocytaires : l'engagement de Dre Gloria Damoaliga Berges au Burkina Faso

Une voix forte pour les drépanocytaires : l'engagement de Dre Gloria Damoaliga Berges au Burkina Faso

Ouagadougou – Au Burkina Faso, la prévalence de la drépanocytose est estimée à 4,63 %, avec près de 2 % des nouveau-nés atteints de la forme SS, la plus sévère de la maladie. Ces données traduisent une réalité préoccupante qui nécessite une réponse multisectorielle faisant participer toutes les couches de la population. 

Actrice de la société civile, la Dre Gloria Damoaliga Berges, vice-présidente de l’Association CID/B (Centre d’Initiative contre la Drépanocytose au Burkina Faso), s’est distinguée au cours des 10 dernières années dans la lutte contre la maladie. 

Elle revient sur le sens de son engagement, les efforts consentis, les changements enregistrés, les défis à relever, … 

Q : Qu’est-ce qui vous a personnellement poussée à vous engager dans cette lutte ?

Depuis le début de ma carrière de médecin, j’ai été confrontée à des enfants et à des jeunes atteints par la drépanocytose. Face à la douleur intense qu’ils exprimaient, je me suis souvent sentie impuissante, et cela a nourri mon engagement. En 2015, j’ai été sollicitée pour accompagner la mise en place d’une unité de référence de prise en charge au sein de l’hôpital où je travaillais avec l’accompagnement de la responsable de la division d’intervention du Centre d’initiative contre la drépanocytose. Ce fut un tournant décisif. À partir de là, mon implication a pris une tout autre dimension.

Q : Pourquoi continue-t-on à enregistrer des naissances d’enfants atteints de drépanocytose ?

La drépanocytose est une maladie héréditaire. Si les deux parents sont porteurs du gène d’hémoglobine S, il y a un risque sur quatre qu’à chaque grossesse la mère donne naissance à un enfant atteint de drépanocytose c’est-à-dire porteur de syndrome drépanocytaire majeur. Malheureusement, beaucoup de couples ne connaissent pas leur statut de l’électrophorèse d’hémoglobine avant de concevoir un enfant, et le bilan prénuptial est souvent négligé. Il est donc crucial de sensibiliser davantage la population à l’importance de ce test avant le mariage ou la grossesse.

Q : Avez-vous également mené des actions au niveau communautaire ?

Absolument. Un problème majeur demeure l’insuffisance de connaissance sur la drépanocytose au sein des communautés. C’est pourquoi je m’investis dans des activités de sensibilisation à destination de l’ensemble de la population, ainsi que dans l’organisation de campagnes de dépistage. Tout récemment, entre janvier et juillet 2024, j’ai eu l’opportunité de coordonner une campagne ayant permis le dépistage de près de 15 000 enfants à travers cinq régions du pays en faveur des bénéficiaires d’une ONG locale. Le travail avec les communautés permet aussi de combattre la stigmatisation souvent associée à la maladie.

Q : Quelles autres actions concrètes avez-vous mises en place ?

J’ai accompagné le groupe d’intervention en hématologie et le ministère de la Santé dans la mise en œuvre du dépistage néonatal au sein de la structure de santé où je travaillais et dans la formation des professionnels de santé sur la douleur et sa prise en charge spécifique chez le drépanocytaire. Enfin, j’ai eu l’opportunité de contribuer à l’opérationnalisation d’un numéro vert gratuit appelé « Drépa Minute » et accessible au 80001350. Ce contact permet aux familles et aux individus de s’informer dans les langues locales. Ces actions visent à mieux faire connaître la maladie, à améliorer les soins, à soutenir les familles concernées et à renforcer la mobilisation sociale dans la lutte contre la drépanocytose.

Notre association CID/B collabore étroitement avec le ministère de la Santé, notamment à travers la Direction de la prévention et du contrôle des maladies non transmissibles (DPCM), avec présentement le soutien financier de l’Agence Française de Développement, de la Fondation Pierre FABRE et de la Principauté de Monaco. Nous accompagnons la DPCM dans la mise en œuvre de divers projets de lutte contre cette maladie.

Grace à l’appui de nos partenaires nous offrons un accompagnement global aux patients drépanocytaires, combinant prise en charge médicale, soutien psychosocial et appui socio-économique. Nous orientons les patients vers des structures de référence, organisons des groupes de parole et d’éducation thérapeutique dans nos 11 antennes régionales, et proposons des séances de coaching et de prise en charge psychologique avec des personnes ressources spécialistes. Le centre soutient également des activités génératrices de revenus pour renforcer l’autonomie financière des patients. Cette approche humaine et solidaire est essentielle pour améliorer leur qualité de vie. Le CID/B collabore avec les mutuelles de santé et renforce le plaidoyer pour l’opérationnalisation de l’assurance maladie universelle, afin d’améliorer l’accès aux soins de ses membres. 

Q : Avez-vous constaté des progrès depuis le début de votre engagement ?

Aujourd’hui, grâce à nos actions concertées, il y a une réelle prise en compte de cette problématique dans les politiques de santé publique. Un plan stratégique dédié à la drépanocytose a été élaboré par le ministère de la Santé à travers la DPCM qui travaille activement à la mobilisation des ressources nécessaires pour sa mise en œuvre.

Par le passé, la drépanocytose restait largement méconnue, malgré les souffrances profondes qu’elle engendre sur les plans physique, psychologique, social et économique. Je peux vous dire que la connaissance de la maladie s’est améliorée au sein de la population et du corps médical. De plus en plus d’acteurs s’engagent dans la lutte, et des formations spécialisées ont été mises en place pour renforcer les compétences des professionnels de santé. Il y a eu un grand pas en avant dans le dépistage et le diagnostic.

La perception de la maladie a aussi évolué. Elle était avant entourée de nombreux stéréotypes, certains l’assimilant à une malédiction ou affirmant que les personnes atteintes ne vivraient pas longtemps. Ces mauvaises idées sont aujourd’hui réfutées et nous voyons autour de nous de nombreux patients qui vivent longtemps, fondent une famille, exercent une activité professionnelle et mènent une vie épanouie malgré leur condition. Tout ceci grâce à une prise en charge adaptée et à l’application rigoureuse des mesures de suivi mises en place. 

Q : Quels sont les principaux défis que vous rencontrez ?

De nombreux efforts sont déployés avec la DPCM et les partenaires, mais il reste encore de défis à surmonter, notamment celui de l’accès au dépistage et au diagnostic au niveau périphérique, l’accès aux médicaments tels que l’hydroxyurée, les antidouleurs et les antibiotiques, ainsi que l'accès aux vaccins contre des maladies évitables par la vaccination. Il a également le défi de la prise en charge des complications et celui de la prise en charge transfusionnelle des patients. 

Selon moi, il est temps que le cri silencieux des patients drépanocytaires soit entendu et donc temps d’investir davantage dans cette lutte par la vulgarisation du dépistage néonatal et précoce, par l’amélioration de la prise en charge, dans une synergie d’actions coordonnées par le ministère de la Santé et ses partenaires.

Malgré les défis, je continuerai, avec conviction, à consacrer ma voix et mon énergie à cette cause car la lutte contre la drépanocytose est aussi une lutte pour la dignité et l’espoir. 

 

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Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique 
Email: dialloka [at] who.int (dialloka[at]who[dot]int)

Oumarou Tarpaga

Chargé de communication 

OMS Burkina Faso

oumarou.tarpaga [at] who.int (oumarou[dot]tarpaga[at]who[dot]int)

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