« Je me sens à nouveau femme » : le témoignage bouleversant de Caroline*, survivante des mutilations génitales féminines
Dans une chambre baignée de lumière au service de gynécologie du CHU de Treichville à Abidjan, Caroline rayonne. Son sourire, doux et sincère, invite à entrer. Elle berce tendrement son bébé, impatient de retrouver sa mère après une longue de séparation. Elle lui parle doucement, le cajole, le porte au dos avec la patience d’une mère comblée.
« Je me sens bien. Je suis à l’aise dans ma peau. Je suis très contente. L’opération s’est très bien passée », confie-t-elle, un sourire au coin des lèvres. Caroline a passé de longues heures au bloc opératoire, et son bébé, privé de sa présence, manifeste son impatience. Mais aujourd’hui, il aura droit à tous les câlins : maman est de retour, et elle est heureuse.
Caroline fait partie d’un groupe de 30 femmes ayant bénéficié d’une prise en charge holistique à Abidjan, dans le cadre d’un projet de réparation des mutilations génitales féminines (MGF). Soutenue par plusieurs agences des Nations Unies, dont l’OMS, et financée par les Fonds Muskoka, cette initiative vise à offrir des soins chirurgicaux et un accompagnement psychosocial aux survivantes de MGF.
« Avant, j’avais honte de moi. Je ne me sentais pas à ma place parmi mes camarades. Dès que le sujet était abordé, j’étais envahie par la peur et la tristesse », raconte-t-elle, la voix tremblante.
Originaire de Danané, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, Caroline a été excisée, comme ses deux sœurs. « Chez nous, c’est une coutume. On ne prend pas ton avis. Ce sont tes propres parents qui t’emmènent au lieu du rituel », dit-elle, le regard perdu dans ses souvenirs. « Ma grande sœur n’a jamais pu avoir d’enfant. Elle pleurait souvent en cachette. Quand on la surprenait, on pleurait avec elle. »
Aujourd’hui, Caroline ressent une profonde libération. « Je remercie l’OMS et le ministère de la Santé. Grâce à eux, une injustice a été réparée. »
Son mari, resté à l’intérieur du pays pour des raisons professionnelles, n’a pas pu l’accompagner pour ce moment très important de son parcours de femme. « Il n’est pas très à l’aise avec tout ça, mais il fait des efforts pour ne pas me blesser », explique-t-elle. Malgré tout, elle est convaincue : « Ma vie sera meilleure après cette opération. »
Elle lance un appel aux autres femmes concernées : « Faites le pas. Cela change tout. Surtout cette frustration de ne pas se sentir pleinement femme. »
Une tradition douloureuse : entre silence, pression sociale et souffrance
Dans de nombreuses régions de Côte d’Ivoire, comme à Danané, d’où est originaire Caroline, l’excision reste profondément ancrée dans les traditions. Elle est souvent perçue comme un rite de passage, un symbole de pureté, d’honneur familial ou d’appartenance communautaire. Pourtant, derrière ces justifications culturelles se cache une réalité douloureuse : celle de millions de filles et de femmes privées de leur intégrité corporelle.
« Chez nous, on ne demande pas ton avis. Ce sont tes propres parents qui t’emmènent au lieu du rituel », confie Caroline. Cette phrase résume à elle seule l’impuissance des jeunes filles face à une pratique imposée, souvent dès le plus jeune âge, dans le silence et la résignation.
Dans certaines communautés, refuser l’excision revient à s’exclure socialement. Les filles non excisées sont parfois stigmatisées, considérées comme impures ou incomplètes. Cette pression sociale, exercée par les familles, les aînés ou les chefs traditionnels, rend plus de complexe toute remise en question de la pratique.
Par ailleurs certaines femmes ne se sentent point diminuées à la suite d’une excision, en dépit des conséquences lourdes telles que les douleurs chroniques, infections, complications lors de l’accouchement, troubles psychologiques, perte de plaisir sexuel.
Les mutilations génitales féminines laissent des séquelles durables, tant physiques que mentales.
Malgré les lois interdisant cette pratique en Côte d’Ivoire, elle persiste dans plusieurs régions, notamment dans le nord et l’ouest du pays, où les taux de prévalence restent élevés. Le poids des traditions, combiné à une éducation encore insuffisante et à une accès limité à l’information, freine les efforts de sensibilisation.
Pour Caroline et tant d’autres, la réparation chirurgicale représente bien plus qu’un acte médical : c’est une forme de justice, une reconquête de leur dignité, et un pas vers la guérison et un avenir de perspectives.
Un projet de réparation pour redonner espoir et dignité
Face aux souffrances causées par les mutilations génitales féminines, une initiative novatrice a vu le jour en Côte d’Ivoire à travers le projet d’amélioration des soins maternels, néonatals, infantiles et des adolescents financés par les fonds Muskoka mis en œuvre en Côte d’Ivoire depuis 2012. Cette initiative inter-agence portée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ONU Femmes, l’UNFPA et l’UNICEF, en partenariat avec le Ministère de la Santé, de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle est une opportunité de droits sexuels et reproductifs.
Son objectif est clair : réparer les corps et reconstruire des vies. Il propose une approche holistique qui combine :
Une prise en charge chirurgicale : pour restaurer, autant que possible, l’anatomie et les fonctions sexuelles des femmes excisées.
Un accompagnement psychosocial : pour aider les survivantes à surmonter les traumatismes vécus, pour arriver à une prise de décision éclairée retrouver confiance en elles et se réapproprier leur identité.
Une sensibilisation communautaire : pour briser le silence autour des MGF, déconstruire les normes sociales qui les perpétuent, et encourager les familles à abandonner cette pratique.
Le projet bénéficie de l’expertise du Centre Hospitalier Intercommunal André Grégoire (CHI) de Montreuil, en France, et s’appuie sur les compétences locales du CHU de Treichville, à Abidjan. Ensemble, ces institutions forment les équipes médicales, assurent le suivi des patientes et évaluent les résultats des interventions.
En 2025, une cohorte de 30 femmes, dont Caroline, a pu bénéficier de cette prise en charge globale. Pour elles, cette opération représente bien plus qu’un acte médical : c’est une renaissance, une réparation symbolique d’une injustice subie dans le silence.
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