Changer la donne contre l’anémie : un pas décisif pour l’Afrique
Dakar – L’anémie demeure l’un des défis de santé publique les plus pressants dans la Région africaine, touchant des millions de femmes et d’enfants et freinant les progrès en matière de santé, d’éducation et de développement économique. Conscients de l’urgence d’agir, des experts techniques venus de 21 pays de la Région se sont réunis à Saly, au Sénégal, du 2 au 4 décembre 2025, lors d’un atelier régional consacré à l’accélération de la réduction de l’anémie chez les enfants et les femmes en âge de procréer. Cette rencontre a rassemblé des gouvernements, des partenaires et des spécialistes afin de transformer les engagements en stratégies concrètes, alignées sur les cadres mondiaux et continentaux.
Cette initiative intervient à un moment clé, alors que les cibles mondiales de nutrition visent une réduction de 50 % les cas d’anémie chez les femmes en âge de procréer d’ici à 2030. Malgré cet engagement, les progrès demeurent insuffisants et les données indiquent qu’aucun pays de la Région africaine n’est actuellement en bonne voie pour atteindre cet objectif.
Pour relever ce défi, le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, à travers son Programme de nutrition et de sécurité sanitaire des aliments, soutient les États Membres en renforçant la production et l’utilisation de données probantes. Des profils nationaux ont été élaborés afin d’évaluer le fardeau de l’anémie, ses déterminants et les interventions en cours.
S’appuyant sur ces analyses, l’atelier a favorisé une approche coordonnée et multisectorielle, intégrant la lutte contre l’anémie dans des stratégies plus larges de santé et de développement, tout en renforçant les capacités des pays en matière de planification et de mise en œuvre.
Ouvrant les discussions, le Dr Mbaye Sene, Responsable du Conseil national pour le Développement de la Nutrition (CNDN) au Sénégal, a souligné l’urgence et la responsabilité collective d’agir. « L’anémie demeure un obstacle majeur à la santé maternelle, au développement optimal des enfants et, plus largement, au progrès de nos pays… Avec une détermination collective, nous pouvons changer la trajectoire sanitaire de millions de femmes et d’enfants en Afrique. »
Le Dr Ousmane Dieng, chargé de la nutrition au Bureau de l’OMS au Sénégal, dans son mot d’ouverture au nom de l’Organisation, a renforcé ce message en insistant sur l’ampleur du défi et l’opportunité de transformation. « Aucune région du monde n’est actuellement sur la trajectoire nécessaire pour une réduction substantielle de l’anémie… Ensemble, nous pouvons inverser cette tendance et améliorer la santé et le bien-être de millions de femmes et d’enfants en Afrique. »
Il s’est félicité de la participation des pays : « La présence de nos pays à cet atelier témoigne d’un fort engagement collectif pour accélérer la réduction de l’anémie sur le continent. »
Lors des travaux, les équipes nationales ont analysé leurs données, identifié les lacunes et défini les interventions prioritaires. Elles ont exploré les moyens d’intégrer les interventions visant la prévention et le traitement de l’anémie dans toutes les plateformes de prestation des services de santé, y compris la santé sexuelle et reproductive et la santé communautaire. Les sessions techniques ont abordé la gouvernance, la redevabilité et la mobilisation des ressources, des éléments essentiels pour la durabilité.
Au terme des trois jours, chaque pays disposait d’un projet de plan d’accélération adapté à son contexte. Ces plans définissent des actions prioritaires pour les femmes et les enfants, des mécanismes de coordination et des stratégies de financement et de suivi.
Les partenaires, dont Nutrition International, UNICEF, Action contre la Faim et la Commission de l’Union africaine, ont réaffirmé leur engagement en tant que co organisateurs. Ils ont promis un appui technique et des ressources pour que les plans élaborés durant l’atelier se traduisent par des résultats concrets. Leur implication a souligné l’importance de la collaboration et de la responsabilité partagée pour relever un problème qui touche la santé, la nutrition, l’éducation et la protection sociale.
Expliquant comment ce processus orientera les prochaines étapes dans son pays, le Dr Bruno Bindamba Senge, Directeur du programme national de Nutrition de la République démocratique du Congo (RDC), a déclaré : « Cet atelier nous a permis d’aligner et de recadrer notre vision nationale conformément aux recommandations régionales et internationales… Nous allons finaliser et adopter un plan stratégique multisectoriel de lutte contre l’anémie, créer un groupe technique et mobiliser les ressources nécessaires. »
Une autre priorité a été mise en avant par la délégation. « Nous allons également désigner un champion pour porter ce plan au niveau national, créer un groupe technique au sein du Comité national multisectoriel de nutrition et mener une étude pour comprendre les vraies causes de l’anémie en RDC », a ajouté le Dr Senge.
Des engagements similaires sont attendus des autres pays participants, renforçant une dynamique continentale vers un leadership plus fort et une action intégrée. Pour la Tanzanie, l’atelier a marqué un tournant dans la lutte contre l’anémie. Malgré des années de supplémentation en fer et acide folique, la prévalence reste élevée, autour de 42 %, révélant des interventions fragmentées qui ont longtemps considéré l’anémie comme un simple déficit nutritionnel. La délégation a souligné la nécessité d’une approche holistique, prenant en compte des facteurs clés tels que le paludisme, les infections parasitaires, les troubles menstruels et les maladies héréditaires du sang. « Cet atelier nous a permis de revoir nos stratégies et de comprendre que la lutte contre l’anémie ne peut pas se limiter à la nutrition. Nous devons intégrer la santé reproductive, la prévention des maladies infectieuses et la prise en charge des causes sous-jacentes. À notre retour, nous allons finaliser un plan d’action prioritaire et accélérer la publication de l’étude biomarqueurs pour une réponse multisectorielle fondée sur des données probantes », a déclaré Neema Joshua, Directrice adjointe de la Nutrition au Ministère de la Santé de la Tanzanie.
Les résultats de cet atelier vont bien au-delà de la planification. Ils traduisent une volonté renouvelée d’atteindre la cible de 2030 et de faire de la réduction de l’anémie une priorité intersectorielle. Les pays repartent avec des stratégies concrètes, des partenariats renforcés et une feuille de route claire pour la mise en œuvre.
L’anémie est un défi complexe, mais des solutions existent et la volonté politique est plus forte que jamais. Avec une action coordonnée, une gouvernance solide et des investissements durables, l’Afrique peut changer la trajectoire de l’anémie et améliorer la vie de millions de femmes et d’enfants. Ce n’est pas seulement une intervention sanitaire, c’est un pas vers l’équité, l’autonomisation et le développement durable.