Deux championnes des terrains difficiles : Scholastique Ngalula et Josephine Kasangi percent les milieux religieux réfractaires aux vaccins et à la vaccination.

KANIAMA (Haut-Lomami) / SANDOA (Lualaba). Les fidèles du culte religieux des 'Apôtres', communément appelés ‘Bapostolo‘ en langue locale, se rassemblent chaque samedi comme d’habitude pour leur séance de prière et de prédication, à Kamayangala, un des quartiers de la zone de santé de Kaniama (Province du Haut-Lomami), au sud-est de la République démocratique du Congo (RDC). En tant qu’invitées exceptionnelles à ce culte, Scholastique Ngalula, consultante de l’OMS et son équipe de la vaccination avaient une tâche pas si facile :  parler de la vaccination et du vaccin contre la poliomyélite et obtenir l’engagement de ces fidèles à faire immuniser leurs enfants de moins de cinq ans, peu avant le début d’une campagne nationale de masse programmée du 10 au 12 août 2023, et qui ciblait plus de 23 millions d’enfants dans tout le pays.
Scholastique Ngalula et sa collègue de l'UNICEF sont assises en arrière-plan et participent au culte des Bapostolo afin de les sensibiliser à la vaccination à Kaniama. Crédit photo, OMS RDC
Depuis des années, les Bapostolo’ sont très connus comme réfractaires aux vaccins et à la vaccination. En termes simples, les membres de cette communauté religieuse, également très pratiquée dans les pays de l’Afrique australe, mettent souvent en avant une guérison divine par la prière, sans intervention de la médecine moderne. « Ils rejettent totalement l’utilisation des médicaments et vaccins pour tous les membres de leurs familles même lorsqu’ils tombent malades », explique Ngalula, 35 ans.
Scholastique Ngalula lors de la supervision de proximité dans le village Kamayangala pour s'assurer que les enfants des Bapostolo ont été vaccinés contre la polio - Crédit : OMS RDC.
Assis au sol, les Bapostolo animent leur culte, sous un rythme solennel et la modération de l’officiant du jour, Baba Obedayi Kuamba-Nzambi, 70 ans. « Notre culte religieux est d’inspiration judéo-chrétienne et qui s’est implanté en RDC depuis l’époque coloniale», explique-t-il. Il précise que cette communauté connaît une forte présence notamment dans les régions du centre et du sud-est du pays (ex-grand Kasaï, ex-grand Katanga, et même dans la capitale Kinshasa etc.).

En discutant avec Kuamba-Nzambi, Ngalula lui a montré combien était précieuse la vaccination des enfants pour lutter contre la polio afin de leur éviter une paralysie toute leur vie. Elle a aussi décrit cette opportunité d’échanger avec les fidèles comme « hautement cruciale » au travail du ‘grand rattrapage’ de tous les enfants zéro dose et sous-vaccinés, visant à garantir que ces derniers « reçoivent leurs doses de vaccins recommandées et soient en bonne santé, résilients et capables de s'épanouir ».

Le plus grand défi, dit-elle, consistait avant tout à « établir et renforcer un dialogue de confiance et d’avoir accès aux enfants de cette communauté pour les vacciner ».

L’itinéraire que prend Ngalula pour la supervision de la vaccination la conduit également au village Lubiji, dans cette vaste zone de santé rurale de Kaniama. Ngalula et son équipe doivent faire face à un obstacle de taille, à l’aller comme au retour : traverser un pont de fortune, fabriqué avec du bois flotté, et qui rend chaque pas très incertain au-dessus de cette rivière abritant d’effrayants crocodiles.
Vue de la traversée du pont de Lubiji, fabriqué avec du bois flotté. Ngalula est en route pour le village proche en vue de sensibiliser les communautés locales à la vaccination antipolio. Crédit: OMS RDC.
Ses compétences en matière de la mobilisation sociale et d’engagement communautaire ont porté leurs fruits puisque Ngalula a réussi à faire vacciner plusieurs dizaines d’enfants zéro dose de ces fidèles. Elle dit que l’adhésion d’Obedayi et ses coreligionnaires à la vaccination lui « a été des plus précieuses, une grande fierté et l’un des plus grands moments de ma carrière à l’OMS ». Pour elle, « surmonter les barrières religieuses par les causeries éducatives et le dialogue communautaire, c’est transformer tous ces obstacles en une vraie inspiration. C’est une opportunité pour gagner la bataille du renforcement de la vaccination de routine dans ces zones éloignées».
Cap vers la zone de santé de Sandoa, dans la Province de Lualaba, plus au sud de la RDC
Lors du culte religieux des Bapostolo, Josephine Kasangi a été invitée à prendre la parole pour les sensibiliser sur l'importance du vaccin antipolio à Sandoa. Crédit : OMS RDC.
Sandoa est une zone de santé de la Province du Lualaba, située à plus de 440 km de Kolwezi, le chef-lieu provincial. C’est à Sandoa que Dr Josephine Kasangi Mbiya, 36 ans, a été déployée par l’OMS pour accélérer la récupération des enfants zéro dose, tout comme les enfants insuffisamment vaccinés.

Kasangi ne se contente pas seulement de fournir des vaccins contre la polio aux communautés mal desservies de la région, mais elle contribue également à l’amélioration de la qualité des données de la vaccination ainsi que la logistique de la chaine de froid et du vaccin au Bureau central de la zone de santé (BCZ) depuis 2018. Elle soutient aussi les campagnes de vaccination, notamment contre la rougeole et la COVID-19, ainsi que la fourniture de meilleurs services de santé à tous les enfants dans cette zone, forte de 272 946 habitants et partageant la frontière avec l’Angola.

"J’étais tellement heureuse que les chefs religieux et des communautés, ainsi que les tradipraticiens fassent un effort de comprendre que le poliovirus et les autres maladies évitables par la vaccination n’ont pas peur de qui que ce soit, et ne connaissent pas de frontière géographique", insiste Kasangi.
Dr Josephine Kasangi - épidémiologiste de l'OMS déployée à Sandoa, dans la Province du Lualaba, OMS RDC
Tout comme dans le Haut-Lomami, le problème de refus de la vaccination et du vaccin reste particulièrement aigu également dans les milieux des adeptes Bapostolo dans la province voisine du Lualaba. Et la situation n’est pas non plus différente un peu partout dans les autres régions où est implanté ce groupe religieux en RDC.

Sandoa offre des couleurs verdoyantes, et ses nombreux villages sont parsemés des rivières, mais souvent dépourvues des ponts et rendant l’accessibilité très difficile pour la mise en œuvre des activités de la vaccination. « Là où on ne peut pas arriver par la moto, on emprunte la pirogue, on navigue souvent sur des rivières au long cours et dangereuses. Mais cela ne nous empêche pas d’aller à la recherche des enfants non encore vaccinés, pour leur administrer le vaccin », ajoute-t-elle.

Ses plus gros efforts se concentrent souvent dans la communauté religieuse dite des ‘apôtres’ pour les sensibiliser et améliorer leurs connaissances vis-à-vis des vaccins contre la polio, la rougeole, la fièvre jaune ou la COVID-19. « Je suis vraiment émue de voir que notre inlassable travail porte aujourd’hui les fruits, et redonne de l’espoir face aux difficultés à endurer, car maintenant les ‘Bapostolo’ croient et adhèrent à la vaccination pour sauver les vies de leurs enfants», se réjouit-elle.
Pour le Dr Boureima Hama Sambo, Représentant de l’OMS en RDC, « ce qui distingue le travail de nos deux collègues, Scholastique Ngalula et Josephine Kasangi, c’est leur courage, leur persévérance à percer ces milieux et à bousculer les croyances opposées à la vaccination ». Dr Sambo loue un « travail qui promeut une approche profondément empathique et résiliente pour mieux atteindre les enfants non vaccinés ou insuffisamment immunisés. Il est remarquable de voir à quel point elles ont été sensibles à la culture et à la religion, en s’asseyant par terre pour montrer le respect à ces autorités religieuses pendant leur culte. Ça force notre admiration pour le travail qu’elles accomplissent chaque jour dans des conditions difficiles».

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L’appui des gouvernements nationaux et des donateurs mondiaux a été déterminant pour vaincre la poliomyélite dans la région africaine et en République démocratique du Congo (RDC), il doit être maintenu pour libérer le monde de la poliomyélite. Ce partenariat public-privé comprend six grands partenaires : l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Rotary International, les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis d’Amérique (CDC), l’UNICEF, la Fondation Bill et Melinda Gates et l’Alliance Gavi.
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