Mauritanie : des données fiables pour mieux répondre aux épidémies dans le Hod El Charghi et Hod El Gharbi
Alors que la Mauritanie fait face à l’une des urgences sanitaires les plus complexes de la dernière décennie – avec des épidémies simultanées de diphtérie et de fièvre de la Vallée du Rift, aggravées par l’arrivée de plus de 300 000 réfugiés fuyant le conflit au Mali – le système de santé national a été mis à rude épreuve. Dans les régions du Hodh El Chargui et du Hodh El Gharbi, notamment dans le district de Bassikounou, les équipes locales se battaient quotidiennement pour suivre l’évolution rapide des cas dans un environnement opérationnel déjà saturé. Un obstacle majeur compromettait la capacité collective à agir vite et efficacement : l’absence d’un système structuré et fonctionnel de gestion des données sanitaires.
Les informations provenant des cliniques mobiles, des formations sanitaires et du centre de santé du camp de Mberra étaient fragmentées, souvent incomplètes et parfois discordantes. Les districts manquaient d’outils harmonisés, les capacités techniques étaient limitées, et la remontée des données souffrait de retards. Dans ce contexte, le médecin-chef du district de Timbédra, le Dr Mohamed Lemine Echvagha, évoque une situation particulièrement délicate : « nous avions des cas, mais nous n’avions pas la vision d’ensemble. On avançait sans phare, dans la nuit ».
Pour combler cette lacune critique, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a activé son partenariat avec CANADEM, une ONG internationale à but non lucratif œuvrant pour la promotion de la paix et de la sécurité dans le monde, à travers le mécanisme des Standby Partners. Dans ce cadre, Boubacar Barry, spécialiste en gestion et analyse de données de santé, a été déployé. Dès son arrivée, il a été frappé par le dévouement des équipes locales, malgré la complexité du contexte. « Malgré ce contexte difficile, j'ai été profondément impressionné par la motivation, la résilience et l'engagement des équipes locales et des partenaires », confie Boubacar Barry. C’est dans cet esprit de collaboration qu’il a entrepris un travail de fond qui a rapidement transformé l’écosystème de la réponse.
En six semaines, un système structuré de gestion des données épidémiques a été instauré : outils de collecte harmonisés, scripts de nettoyage et d’analyse des données développés, digitalisation du registre de consultations des cliniques mobiles, canevas standardisés pour les présentations et les rapports de situation (SitReps), et consolidation des bases pour les épidémies en cours. La production régulière d’analyses épidémiologiques a immédiatement renforcé la capacité du ministère de la Santé et de l’OMS à orienter les interventions sur le terrain.
Les bénéfices se sont matérialisés dès les premiers jours, notamment lors du lancement du registre de consultation électronique à Timbedra, le 16 octobre 2025, puis à Amourj, le 17 octobre 2025. Dans les deux moughataas, les équipes locales ont rapidement exprimé leur soulagement face à un outil simple, fiable et adapté à leurs besoins. Le médecin-chef d’Amourj, le Dr Itaweloumrou Elbechir, décrit ce changement : « Avant, nous passions plus de temps à chercher les données qu’à les analyser. Maintenant, tout devient plus clair et nous pouvons concentrer nos efforts sur mise en œuvre des activités. » L’impact de cette expertise s’est également étendu à la coordination sectorielle, au suivi de la chaîne d’approvisionnement d’urgence et à la dynamisation des réunions du Système de gestion des incidents (IMS). La production du bulletin mensuel du cluster santé, désormais mieux structurée et documentée, constitue l’un des acquis visibles de ce renforcement. Pour le Dr Pallawo Raymond, responsable des urgences sanitaires au bureau de l’OMS en Mauritanie, cette intervention marque un tournant : « sans la contribution de M. Barry, notre capacité à suivre les cas, à détecter les foyers épidémiques et à protéger les communautés vulnérables aurait été fortement compromise. Son expertise ne s’est pas ajoutée à la réponse : elle l’a transformée ».
Au-delà de l’urgence, la mission a contribué à bâtir une capacité nationale durable. L’approche participative adoptée pour la formation des équipes a favorisé une véritable appropriation des outils et des processus. Les équipes régionales maîtrisent désormais les bases d’un système moderne de gestion des données : collecte harmonisée, interprétation analytique, digitalisation progressive et production de rapports stratégiques. Le Dr Itaweloumrou souligne d’ailleurs : « nous ne sommes plus dépendants. Aujourd’hui, nous avons les compétences pour continuer ».
Le déploiement de Boubacar Barry illustre la valeur d’un partenariat agile entre l’OMS et CANADEM : un déploiement rapide, une expertise humaine arrivée au moment critique, un appui direct sur le terrain et un impact durable sur les capacités nationales. Comme le rappelle la Représentante de l’OMS en Mauritanie, la Dre Charlotte Faty Ndiaye : « ce qui fait le succès d’une réponse, ce n’est pas seulement la rapidité : c’est la précision. Et la précision vient des données ».
Dans un contexte où chaque retard peut coûter une vie, l’expérience de la Mauritanie montre qu’un système de données solide n’est pas un luxe technique, mais une nécessité vitale. Lorsque les données sont fiables, complètes et analysées à temps, elles deviennent un véritable outil de prise de décisions, capable d’orienter les actions, de sauver des vies et de renforcer la résilience des communautés et du système de santé. Pour Mohamed Ely Jereivine, point focal surveillance au ministère de la Santé, cette réalité est sans équivoque : « chaque chiffre bien rapporté est une vie potentiellement sauvée ».
Grâce à l’engagement des partenaires et à l’expertise déployée, la Mauritanie dispose désormais d’un système de données plus robuste pour mieux répondre aux urgences sanitaires actuelles et futures.