L’espoir porté par les jeunes face à la RAM à Madagascar

L’espoir porté par les jeunes face à la RAM à Madagascar

Antananarivo – Quand Lalaina Mihobintsoa parle de son engagement contre la résistance aux antimicrobiens (RAM), ses mots sont simples mais forts. « Je veux que chacun autour de moi comprenne pourquoi il faut agir », déclare-t-il avec conviction. Étudiant en médecine vétérinaire, il a choisi de devenir ambassadeur de la RAM pour sensibiliser sa communauté. « Ce n’est pas compliqué : si nous partageons les bons gestes, nous pouvons éviter bien des problèmes », explique-t-il avec un sourire.

La RAM survient lorsque des microbes – bactéries, virus ou parasites – deviennent insensibles aux médicaments conçus pour les éliminer. Concrètement, cela signifie que des infections courantes, autrefois faciles à traiter, deviennent dangereuses. Ce phénomène est amplifié par l’usage excessif des antibiotiques, l’automédication et le manque d’hygiène. Ses conséquences dépassent le domaine médical, menaçant la santé publique, l’économie et la sécurité alimentaire. Dans le secteur agricole, l’utilisation non contrôlée des antimicrobiens chez les animaux favorise la propagation de bactéries résistantes, compromettant les exportations et la qualité des produits alimentaires.

À Madagascar, la RAM cause environ 5 400 décès chaque année, un chiffre qui illustre l’ampleur du problème et ses répercussions sur les familles et le système de santé. Les infections deviennent plus difficiles à soigner, entraînant des hospitalisations prolongées et des coûts élevés pour les ménages.

Pour faire face à cette menace, le gouvernement a adopté en 2019 un Plan d’Action National (PAN-RAM) aligné au Plan d’action mondial de l’OMS qui définit des mesures de surveillance, de sensibilisation et de prescription rationnelle. Ce plan constitue la feuille de route pour coordonner les efforts dans une approche multisectorielle « Une seule Santé », reliant santé humaine, animale et environnementale. Parmi les solutions envisagées, la mobilisation des jeunes occupe une place centrale pour garantir la durabilité des actions.

En parlant de cette orientation, la Dre Lethicia Lydia Yasmine, Secrétaire générale du ministère de la Santé Publique, souligne : « Il est essentiel d’impliquer les jeunes car ils constituent une force démographique influente, capable d’adopter et de diffuser rapidement les bons comportements, d’innover dans les actions de sensibilisation et de garantir la durabilité des efforts ». 

Cette disposition s’inscrit dans une logique de pérennité, soutenue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui mise sur la mobilisation des jeunes. Pour la Dre Ilo Ramahatafandry, coordinatrice des projets RAM au bureau de l’OMS à Madagascar, le rôle des jeunes est déterminant. « Les jeunes sont des acteurs clés du changement. Ils exercent une influence naturelle au sein de leurs communautés », précise-t-elle.

Dans ce cadre, une cinquantaine de jeunes ambassadeurs, appuyés par l’OMS, ont été formés pour sensibiliser leurs pairs et leurs communautés aux gestes simples qui sauvent des vies. Lalaina fait partie de ces jeunes engagés. « Chaque geste compte ! J’explique aux gens qu’il est essentiel qu’avant de prendre un antibiotique, de consulter un médecin, de respecter les prescriptions et de garder une bonne hygiène. C’est ainsi que nous protégeons notre santé et celle des autres. » 

Il se souvient d’un débat organisé par l’OMS à l’occasion de la célébration de la semaine mondiale de sensibilisation à la lutte contre la RAM (WAAW) en 2024, où il a pu convaincre des étudiants en économie de relayer les messages dans leurs cercles sociaux. « Ce jour-là, j’ai compris que la sensibilisation ne s’arrête pas à la médecine : elle touche tout le monde », confie-t-il avec enthousiasme. Une autre anecdote lui tient à cœur. « Pendant la même occasion, j’ai mené une sensibilisation dans mon quartier. À la fin, une mère m’a dit qu’elle ne donnerait plus d’antibiotiques à ses enfants sans avis médical. Ce genre de retour me motive », ajoute-t-il avec fierté.

À Antsirabe, Rakotoarisoa Sitraka Irinah, également étudiante en médecine, partage la même détermination. « La RAM n’est pas un concept théorique, c’est une réalité qui peut toucher n’importe qui », explique-t-elle. Irinah anime des sessions dans les quartiers et sur les campus, et utilise les réseaux sociaux pour atteindre les jeunes. Elle insiste sur l’importance de parler simplement et en langue locale. « Nos gestes quotidiens, comme acheter des antibiotiques sans ordonnance, peuvent rendre les médicaments inefficaces ». Pour elle, chaque jeune peut agir en s’informant, en évitant l’automédication et en sensibilisant son entourage. « Nous avons une voix qui porte et un pouvoir d’influence réel », affirme-t-elle, convaincue que la mobilisation collective est la clé pour préserver l’efficacité des traitements.

La stratégie nationale englobe la sensibilisation de tous les acteurs – éleveurs, agriculteurs, professionnels de santé – et repose sur des outils clés tels que des guides de prescription, des protocoles de surveillance et une plateforme intégrée pour la collecte et l’analyse des données. Il est également prévu une allocation budgétaire dédiée par l’État afin de garantir la mise en œuvre des activités et d’assurer la pérennité des initiatives. 

Des avancées significatives ont été réalisées avec la mise en place d’une surveillance pilote de certains agents pathogènes prioritaires en santé animale, l’évaluation des capacités des laboratoires à surveiller la RAM en santé humaine et animale, ainsi que dans l’environnement et l’alimentation. Un projet d’arrêté interministériel visant à encadrer le marché et l’utilisation des antimicrobiens chez les humains et les animaux a été élaboré, avec une forte dimension réglementaire.

Cependant, cette mobilisation n’est pas sans défis. Maintenir l’engagement des jeunes bénévoles dans la durée est une difficulté majeure. Les enjeux évoluent, et sans formation continue, la qualité des messages peut diminuer. Les ressources matérielles manquent souvent : affiches, supports visuels, moyens de déplacement pour atteindre les zones rurales. Il est aussi essentiel de mesurer l’impact pour convaincre les décideurs et les partenaires de poursuivre les efforts. 

Pour répondre à ces défis, l’OMS collabore avec les autorités et les partenaires locaux. Elle organise des sessions de formation régulières pour actualiser les connaissances des jeunes et des autres acteurs, produit des supports visuels adaptés aux communautés. L’Organisation facilite également les partenariats entre les ministères clés de l’approche « Une seule Santé » et notamment celui de la Jeunesse et des Sports, et les universités afin d’élargir la portée des actions. « L’OMS est là pour accompagner le pays, sachant que ce sont les communautés et les jeunes qui portent le changement », a précisé le Dr Laurent Musango, Représentant résident de l’OMS à Madagascar.

La lutte contre la RAM ne repose pas seulement sur des politiques ou des outils techniques, mais sur l’engagement humain. Lalaina veut aller au-delà de la sensibilisation pour contribuer à des stratégies nationales, tandis qu’Irinah se voit comme une passerelle entre le monde médical et les jeunes, convaincue que « nos gestes quotidiens peuvent rendre les médicaments inefficaces ». Tous deux partagent la même ambition : former d’autres ambassadeurs, créer des espaces de dialogue et porter la voix de Madagascar au-delà des frontières. Leur détermination illustre une génération prête à agir ensemble pour préserver l’efficacité des traitements et protéger l’avenir.
 

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Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique 
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Flora Dominique ATTA

Chargée de communication
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