RDC : Quand les rites et coutumes deviennent des armes contre Ebola

RDC : Quand les rites et coutumes deviennent des armes contre Ebola

À Bulape, dans la province du Kasaï, en République démocratique du Congo, la lutte contre Ebola a uni science et traditions. Les coutumes locales, loin d’être symboliques, ont mobilisé la communauté pour adopter les mesures de prévention. En collaborant avec les chefs coutumiers et les anthropologues, les équipes sanitaires ont transformé ces pratiques en alliées pour stopper la propagation du virus. Ensemble, culture et santé ont sauvé des vies.

Le chef coutumier Sylvain Bidiaka Bope, figure centrale de la communauté, a joué un rôle déterminant dans ce processus. Il raconte comment certaines pratiques ancestrales ont contribué à protéger la population, notamment le Buwela, un rituel de deuil ancien et respecté : « La personne reste dans la maison et ne se déplace pas. C’est un temps d’isolement observé par tous », explique-t-il.

Dans un contexte où Ebola se transmet par contact, ce rituel de quarantaine spontanée d’environ 40 jours a facilité le suivi sanitaire de 21 jours et la vaccination des veufs, veuves et orphelins. Ces personnes, considérées comme des contacts à haut risque, ont ainsi limité leurs déplacements et interactions, réduisant le risque de propagation de la maladie. «Cela a aidé la surveillance et empêché la propagation», ajoute Bidiaka.

À Bulape, les chefs traditionnels ont été les piliers de la riposte. Leur influence a permis de mobiliser la communauté et d’assurer l’acceptation de la vaccination. Ils ont encadré les rites ancestraux, garants de la tradition, pour protéger la population et éloigner les maladies.

Ces leaders ont également exhorté chacun à respecter les mesures de prévention recommandées par le ministère de la Santé et ses partenaires, dont l’OMS. Le résultat est exemplaire : aucune résistance, mais une adhésion totale. Vaccination, enterrements dignes et sécurisés, suivi des contacts à haut risque avec auto-quarantaine — tout cela en harmonie avec les rites protecteurs.

Lorsque les équipes de santé ont expliqué les dangers liés au rasage rituel ou au lavage traditionnel des veufs et veuves, la communauté a accepté de suspendre ces pratiques durant l’épidémie, moyennant des amendes.

Autrefois, ramasser un gibier mort en forêt était considéré comme une bénédiction des ancêtres, appelée « Diese Diami Di Ba-kaka». Cette pratique consistait à partager la viande avec la famille, les proches et le chef du village. Mais pendant l’épidémie d’Ebola, ce rituel représentait un risque majeur de transmission. Les chefs traditionnels ont donc interdit de ramasser ou consommer les animaux trouvés morts en forêt. La population a compris et s’est adaptée : aujourd’hui, personne ne touche un gibier mort. Ce changement montre la force des communautés à protéger la vie tout en respectant leur culture.

Concernant le lavage des corps, le chef coutumier explique : « Pendant l’épidémie, nous avons interdit le lavage et la manipulation des cadavres. Nous avons demandé à la population de confier les enterrements aux équipes sanitaires spécialisées pour garantir des funérailles dignes et sécurisées. La communauté a accepté et respecté cette mesure. »

Pour accompagner ces évolutions, le Professeur Célé Manianga, anthropologue médical et expert déployé par le Centre des opérations d’urgence de santé publique (COUSP) avec l’appui de l’OMS, rappelle : « Certains rituels renforcent nos efforts, d’autres nécessitent des ajustements. Notre mission consiste à identifier les pratiques protectrices et à adapter celles qui présentent un risque, toujours dans le respect des valeurs culturelles. »

Enfin, Dr John Otshudiema, Gestionnaire adjoint de l’incident Ebola à Bulape pour l’OMS, souligne : « La socio-anthropologie médicale crée le lien vital entre les interventions biomédicales et les réalités sociales. Ici, à Bulape, elle a été déterminante pour susciter l’adhésion, notamment à la surveillance et à la vaccination ».

La 16ᵉ épidémie de maladie à virus Ebola en RDC a été officiellement déclarée le 4 septembre. Le compte à rebours pour annoncer la fin de l’épidémie a débuté le 19 octobre, à la sortie de traitement du dernier patient. Au cours de ces 45 jours, 64 cas ont été enregistrés (53 confirmés et 11 probables), dont 45 décès et 19 personnes guéries. Aucun cas confirmé n’a été enregistré dans les zones voisines. Grâce à l’engagement de la communauté et au leadership du ministère de la Santé, en collaboration avec ses partenaires, notamment l’OMS, plus de 40 000 personnes ont été vaccinées et plus de 2 000 contacts suivis, sans résistance communautaire. Ensemble, nous avons protégé des vies.

L’expérience de Bulape montre qu’une riposte efficace repose sur l’intégration des communautés, de leurs rites et repères. La compréhension et l’intégration des aspects culturels renforcent considérablement l’efficacité des interventions contre les épidémies.

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René Koundou IFONO

Chargé de communication

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