Placer l'humain au centre de la réponse Ebola en RDC : le rôle du pilier prévention et réponse à l’exploitation, aux abus et au harcèlement sexuels

Placer l'humain au centre de la réponse Ebola en RDC : le rôle du pilier prévention et réponse à l’exploitation, aux abus et au harcèlement sexuels

Bulape - Alors que la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une nouvelle épidémie de la maladie Ebola dans la zone de santé de Bulape, province du Kasaï, déclarée le 4 septembre 2025, la riposte sur le terrain ne se limite pas à la réponse médicale. Aux côtés du système d’alerte et de la détection précoce des cas, des mesures de prévention et contrôle de l’infection, de la prise en charge des cas et de la vaccination des contacts et des travailleurs de première ligne, la prévention et la réponse à l’exploitation, aux abus et au harcèlement sexuels (PREAHS) constitue un pilier essentiel des interventions de réponse à cette épidémie.

Dans les contextes d’urgence sanitaire, où les rapports de pouvoir sont souvent déséquilibrés et les communautés sont en situation de vulnérabilité, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en collaboration avec les autorités nationales, locales et les partenaires, a intégré une approche proactive pour protéger les communautés, assurer la redevabilité des acteurs humanitaires et faire respecter la culture de tolérance zéro face à toute forme d’abus et d’inconduite sexuelle de la part des équipes de réponse à l’épidémie.

Nous avons rencontré la Dre Islande Georges Cadet, docteure en psychologie (PhD), spécialisée dans l’organisation des services sociaux et de santé, et titulaire d’une maîtrise en santé publique (MPH). En sa qualité de coordonnatrice du pilier PREAHS au bureau de l’OMS en République démocratique du Congo, elle joue un rôle clé dans la réponse à l’épidémie de la maladie à virus Ebola dans la région du Kasaï. Elle nous a partagé sa vision sur l’importance de cette approche, qui vise à faire de la riposte un espace sûr, éthique et profondément respectueux de la dignité humaine.

Q : Quel rôle joue le pilier PREAHS dans la riposte actuelle contre Ebola à Bulape, et pourquoi est-il essentiel dans ce contexte ?

R : À Bulape, le pilier PREAHS (Prévention et réponse à l’exploitation, aux abus et au harcèlement sexuels) joue un rôle clé dans l’encadrement éthique et sécuritaire de la riposte contre Ebola. Il s’inscrit au cœur des principes humanitaires fondamentaux, notamment celui de « ne pas nuire » (do no harm), qui nous oblige à garantir que nos actions n’exposent pas les populations que nous servons – ni nos propres collègues – à de nouveaux risques. Son action vise à s’assurer que l’ensemble de l’intervention, qu’elle soit médicale, logistique ou communautaire, se déroule dans un environnement respectueux des droits et de la dignité des communautés affectées. Cela passe notamment par la mise en place de mécanismes de signalement accessibles et confidentiels, par la formation du personnel humanitaire, de santé et la partie gouvernementale sur les normes de conduite, ainsi que par une sensibilisation active des communautés sur leurs droits et sur les comportements attendus des acteurs de la riposte.

Dans un contexte comme celui de Bulape, où les communautés sont particulièrement vulnérables face à la maladie, le pilier PREAHS joue un rôle essentiel pour prévenir les abus de pouvoir et les dérives pouvant survenir en situation d’urgence. Il veille à ce que les interventions ne deviennent pas, même de manière involontaire, des vecteurs de violences ou d’exploitation. En assurant la protection des personnes les plus à risque – notamment les femmes, les enfants et les personnes en situation de handicap – il contribue également à renforcer la confiance des communautés envers les équipes de riposte, un élément clé pour garantir l’efficacité de la réponse à l’épidémie.

Q : Quelles actions concrètes ont été mises en place pour prévenir l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels dans cette zone touchée par l’épidémie ?

R : Face à l’urgence de la situation à Bulape, l’OMS a été en première ligne, en collaboration étroite avec les autorités nationales et locales, ainsi que les partenaires humanitaires présents sur le terrain, pour assurer la coordination du pilier PREAHS dans la réponse à l’épidémie d’Ebola. Nos actions ont débuté par une analyse participative des risques, qui a permis d’identifier les zones, les groupes et les contextes les plus exposés. Cette approche a facilité l’adaptation des interventions et la mise en place d’un dispositif structuré et inclusif de prévention et de réponse à l’exploitation, aux abus et au harcèlement sexuels (EAS).

L’un des premiers leviers de cette dynamique a été la formation systématique de tous les intervenants sur la PREAHS, qui constitue un prérequis pour toute personne déployée dans le cadre de l’intervention. Ainsi, tous les membres du personnel — qu’ils soient de l’OMS, des institutions gouvernementales ou des organisations partenaires — sont tenus de suivre une formation dédiée, suivie de la signature obligatoire du code de conduite, garantissant leur engagement envers les principes éthiques et professionnels de la riposte. Ce processus a permis d’instaurer un langage commun, un socle partagé d’engagements, et un consensus clair sur la tolérance zéro face aux EAS.

En parallèle, un système d’alerte liés aux EAS a été mis en place. Il comprend des mécanismes de signalement sûrs, confidentiels et accessibles aux communautés, tels que des boîtes à plaintes, des lignes téléphoniques dédiées, et des relais communautaires formés. Ces signalements sont traités selon une procédure rigoureuse d’analyse et d’investigation menée par des équipes spécialisées, avant tout passage à la phase de prise en charge. En cas d’abus ou d’inconduites, les procédures en vigueur prévoient l’accompagnement immédiat de la survivante selon une approche holistique incluant soins médicaux, appui psychosocial, aide juridique et, lorsque possible, appui à la réinsertion. Parallèlement, des mesures disciplinaires ou judiciaires sont enclenchées contre l’auteur présumé, en coordination avec les autorités compétentes.

La sensibilisation communautaire a également constitué une action centrale de l’approche adoptée à Bulape. Dès les premières semaines de la riposte, des activités ont été menées auprès des populations locales pour expliquer ce qu’est l’exploitation et l’abus sexuel, quels sont les droits des communautés, et comment signaler un incident en toute sécurité. Cette stratégie s’est appuyée sur les leaders communautaires, les agents de santé locaux et les structures de proximité, à travers des dialogues communautaires, des séances de causeries éducatives, des émissions radio et des affichages publics. À ce jour, plus de 6337 personnes, dont 3397 filles et femmes ont été sensibilisées.

Q : Quelle a été l’action la plus marquante dans le cadre de votre travail pour renforcer la prévention et la réponse à l’exploitation, aux abus et au harcèlement sexuels (EAS), et en quoi a-t-elle eu un impact significatif sur les communautés ciblées ?

L’action la plus marquante depuis le début de la réponse a été l’intégration des acteurs clés à travers la désignation de points focaux EAS. Le pilier PREAHS mis en place repose sur dix points focaux, qui ne se limite pas au personnel de l’OMS. Il inclut également des professionnels issus des structures sanitaires locales, des leaders communautaires, des organisations nationales œuvrant pour la défense des droits humains, ainsi que d’autres acteurs engagés dans la riposte. Cette approche inclusive renforce l’appropriation des actions et leur intégration dans les dynamiques institutionnelles existantes.

Ces points focaux jouent un rôle central, notamment dans l’accompagnement des activités de sensibilisation auprès des communautés. Leur mobilisation a permis une meilleure compréhension de cette thématique au sein des communautés locales. À date, aucune alerte ni aucun cas d’exploitation ou d’abus sexuel n’a été enregistré, ce qui témoigne de l’efficacité des mesures de prévention mises en œuvre.

Néanmoins, cette absence de signalement ne doit pas être interprétée comme une absence de risque. Il est essentiel de maintenir un haut niveau de vigilance et de poursuivre activement les efforts de prévention et de sensibilisation.

Q : Alors que les actions riposte se poursuivent, quel message souhaiteriez-vous transmettre aux partenaires, personnels humanitaires et communautés pour renforcer la culture de la tolérance zéro face à l’exploitation et aux abus dans les contextes de crise ?

R : L’objectif que nous poursuivons, en tant qu’acteurs engagés dans la riposte humanitaire à Bulape et spécifiquement sur cette thématique, est sans ambiguïté : n’enregistrer aucun cas d’exploitation, d’abus ou de harcèlement sexuel (EAS). Chaque incident constitue une violation inacceptable des droits humains fondamentaux, ainsi qu’un manquement grave à notre devoir de protection envers les communautés que nous servons. Dans des contextes d’urgence comme celui d’une épidémie d’Ebola, où les populations sont déjà fortement exposées, nous avons la responsabilité d’agir avec la plus grande rigueur éthique. Cela exige une vigilance constante, une coordination étroite, et une mobilisation sans faille de tous les acteurs impliqués — qu’il s’agisse du personnel de l’OMS, des autorités nationales et locales, ou des partenaires de terrain.

À tous les niveaux, il est capital de faire front commun pour instaurer et faire vivre une culture authentique de tolérance zéro face à toute forme d’exploitation, d’abus ou de harcèlement sexuel. Servir les communautés, c’est avant tout les respecter, les protéger et garantir que notre présence et nos actions ne leur causent aucun tort, mais qu’elles contribuent au contraire à restaurer leur dignité, leur sécurité et leur confiance envers les acteurs humanitaires et sanitaires. 

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