Lualaba : la vaccination contre la fièvre jaune s’invite au cœur des mines artisanales
Tilwezembe, à 20 km de Kolwezi (chef-lieu provincial du Lualaba), est bien plus qu’une carrière minière : c’est un lieu de vie pour près de 15 000 creuseurs artisanaux venant de plusieurs endroits de la région pour extraire cuivre et cobalt dans des conditions précaires, dans le sud-est de la République démocratique du Congo. Entre poussière, éboulements et eau stagnante, les risques sanitaires sont omniprésents dans ce site minier à ciel ouvert. Parmi ces maladies figure la fièvre jaune, une menace silencieuse transmise à l’être humain par la piqûre de moustiques infectés du genre Aedes.
Du 14 au 24 octobre 2025, une campagne de vaccination de dix jours a ciblé ces communautés particulièrement exposées à un risque élevé de fièvre jaune. Pour la première fois depuis plusieurs années, les mineurs ont été directement intégrés à cette initiative vaccinale. Cela a suscité chez Patient Mulanji, alias RP Mulayi – responsable d’une coopérative regroupant des milliers de creuseurs locaux – le désir de sensibiliser ces derniers sur l’importance de recevoir le vaccin antiamaril.
« Quand on pense aux ravages de la fièvre jaune, il est vital que chacun se fasse vacciner ; ce vaccin est une opportunité pour nous protéger et continuer à travailler », souligne-t-il. Son message résonne en swahili, langue des exploitants, et traduit aussi un autre aspect clé de cette campagne de vaccination : préserver la santé dans un environnement où chaque jour est une lutte pour survivre.
« Les programmes de routine vaccinent les enfants en âge scolaire ou les femmes enceintes en consultation prénatale. Les mineurs artisanaux, quant à eux, n’ont ni horaire fixe, ni adresse stable. Quand un poste de santé ouvre à 8 heures, ils sont déjà à 50 mètres sous terre ou à des heures de marche dans les mines de cobalt éloignées. Résultat : une couverture vaccinale proche de zéro chez un grand nombre », explique le Dr Yannick Kongolo, Médecin chef de Zone de Lualaba. La dernière campagne provinciale remontait à 2016 et n’avait couvert que 4 zones de santé. « Ce qui est intéressant, c’est qu’aujourd’hui, nous avons intégré les 10 zones de santé restantes, atteignant une couverture totale des 14 zones de la province du Lualaba », ajoute le Dr Kongolo.
Aujourd’hui, les autorités sanitaires, l’OMS et leurs partenaires (Gavi, UNICEF etc.) l’ont compris : vacciner les mineurs artisanaux n’est pas un complément, c’est un besoin urgent de santé publique. Il faut aller vers eux – dans les puits, au cœur de ces mines anciennement exploitées par des grands groupes industriels – avec des équipes mobiles, des doses prêtes à l’emploi et des messages adaptés. « Protéger ces travailleurs, c’est aussi protéger les centres urbains et les localités qu’ils traversent, les familles qu’ils retrouvent, et toute la région ciblée du sud-est de la RDC. Leur santé n’est pas un détail. C’est la prochaine ligne de front contre la fièvre jaune », souligne M. Riku Edward Elovainio, Chargé du Bureau de l’OMS en République démocratique du Congo.
Pour atteindre cet objectif, 118 sites de vaccination ont été déployés dans la zone de santé du Lualaba, incluant la carrière minière de Tilwezembe, avec des équipes mobiles composées de vaccinateurs, mobilisateurs sociaux et agents de sécurité. Des milliers de doses du vaccin antiamaril ont été acheminées, et dès les premiers jours, 2 000 personnes ont été vaccinées, signe d’une forte adhésion. « La mobilisation communautaire a été essentielle. Les mineurs ont accueilli l’initiative avec enthousiasme », se souvient le Dr Kongolo.
Cette campagne s’inscrit dans une stratégie nationale visant à protéger 17,3 millions de personnes dans quatre provinces à haut risque (Haut-Katanga, Haut-Lomami, Lualaba et Tanganyika). Pour les mineurs, c’est bien plus qu’une injection : c’est une garantie de santé et de continuité de leur travail. La fièvre jaune est une maladie virale transmise par les moustiques, principalement ceux qui piquent le jour. Il existe un vaccin sûr et abordable, dont une seule dose confère une protection à vie contre la maladie.« Travailler ici me permet de nourrir ma famille. Mais sans santé, tout s’arrête. Je suis profondément reconnaissant de recevoir ce vaccin contre la fièvre jaune qui nous donne une chance à vie de ne plus attraper cette maladie mortelle », confie Samy Maloba, creuseur artisanal, en serrant son sac de jute usé, compagnon de ses journées passées à extraire le minerai.
Aux abords de Tilwezembe, Chantal, 27 ans, crieuse et mobilisatrice communautaire, prête sa voix à la sensibilisation. « Je sillonne les quartiers pour informer la population sur les bienfaits de la vaccination. Plus particulièrement les creuseurs artisanaux qui très souvent sont sans carnet de vaccination, vivant loin des centres de santé et travaillant du lever au coucher du soleil. Ce sont pourtant eux que le virus de la fièvre jaune guette avec le plus d’avidité », dit-elle. « Cela fait trois ans que j’exerce ce métier de sensibilisation avec fierté », ajoute-t-elle, convaincue que chaque message peut sauver une vie.