Lutte contre le tabac en Côte d’Ivoire : entretien avec le Dr Brou Dieudonné Koffi, lauréat du Prix Antitabac de l’OMS

Lutte contre le tabac en Côte d’Ivoire : entretien avec le Dr Brou Dieudonné Koffi, lauréat du Prix Antitabac de l’OMS

Abidjan – La Côte d’Ivoire s’est illustrée sur la scène internationale pour son engagement exemplaire dans la lutte contre le tabagisme. Le 4 juin 2025, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a décerné le prestigieux Prix du Directeur général de l’OMS pour la lutte antitabac au Programme National de Lutte contre le Tabagisme, l’Alcoolisme et les autres addictions (PNLTA), ainsi qu’au Dr Brou Dieudonné Koffi, figure emblématique de cette lutte, Président du Club ivoirien de lutte contre le tabagisme, l’avortement et le sida en milieu scolaire (CILTAS-MS). 
Enseignant-chercheur, sociologue de la santé et philosophe politique, Dr Brou s’est engagé depuis 15 ans dans la sensibilisation, la mobilisation communautaire et le plaidoyer pour des politiques publiques efficaces contre le tabac. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, ses motivations…

1. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans la lutte contre le tabagisme, et qu’est-ce qui continue de vous motiver aujourd’hui ?
J’ai été moi-même fumeur dès le collège, et pendant près de dix ans, j’ai vécu les effets néfastes du tabac sur ma santé et mon bien-être. En 2009, j’ai décidé d’arrêter, conscient également de ma responsabilité morale, notamment au sein de mon église. 
Cette prise de conscience m’a poussé à agir tôt, en milieu scolaire. En 2010, j’ai fondé le Club ivoirien de lutte contre le tabagisme, l’avortement et le sida en milieu scolaire (CILTAS-MS). Je suis motivé à titre personnel pour partager mon expérience et sensibiliser les jeunes, en tant que citoyen pour appuyer les politiques de santé publique, et comme scientifique pour contribuer à la recherche sur la lutte antitabac en Afrique.

2. Comment évaluez-vous aujourd’hui la situation du tabagisme en Côte d’Ivoire ?
Le tabagisme est en hausse chez les jeunes, malgré les efforts de sensibilisation et les lois en vigueur. Une simple observation dans les rues d’Abidjan permet de constater une évolution préoccupante. Autrefois, il était rare de voir un jeune fumer ouvertement dans la rue mais aujourd’hui, cela devient de plus en plus courant.

3. Parlant des jeunes, que pensez-vous des méthodes utilisées actuellement par l’industrie du tabac pour les attirer ?
Ces tactiques sont extrêmement préoccupantes. L’industrie du tabac utilise des produits attractifs, des emballages colorés, des influenceurs sur les réseaux sociaux, et même des événements culturels pour séduire les jeunes et contourner les politiques de santé publique. 
La banalisation des nouveaux produits du tabac comme les cigarettes électroniques présente d’énormes risques car ces produits sont souvent perçus à tort comme moins dangereux. Or, ils contiennent de la nicotine et d’autres substances nocives. Leur marketing ciblé vers les jeunes est particulièrement préoccupant. Il faut une régulation stricte et une sensibilisation adaptée à ces nouveaux enjeux.

4. Quelles sont, selon vous, les actions prioritaires pour faire reculer le tabagisme, en Côte d’Ivoire et dans le monde ?
Il est temps de passer à l’action concrète. La priorité, c’est l’application stricte des lois existantes. Il faut aussi protéger les jeunes en régulant les nouveaux produits comme les cigarettes électroniques, renforcer l’éducation à la santé dans les écoles, et soutenir les acteurs de terrain. Enfin, la coopération entre pays est essentielle pour contrer l’influence de l’industrie du tabac. La lutte doit être collective, cohérente et durable.

5. Quel a été votre ressenti en recevant le prix décerné par l’OMS et que changera-t-il dans votre combat ?
Ce prix est une immense reconnaissance. Il symbolise la validation de notre engagement et de nos sacrifices dans cette lutte. J’ai ressenti une profonde gratitude envers Dieu et envers toutes les personnes qui ont soutenu ma candidature. Ce prix vient à point nommé, au moment où nous faisons face à des contraintes importantes, notamment pour l’organisation de nos colloques. Il nous donne une légitimité accrue et, je l’espère, facilitera la mobilisation de ressources pour renforcer nos actions, en particulier auprès des jeunes.

6. Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui envisage de fumer ?
Je lui dirais : « Ne commence pas. Le tabac n’est pas un signe de liberté ou de maturité : il n’apporte rien de bon, il détruit la santé, crée une dépendance et ruine des vies. Tu as le pouvoir de dire non, de faire des choix éclairés et de devenir un ambassadeur de la santé dans ta communauté. »
 

Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Kone Souleymane

Chargé de communication
Email : koneso [at] who.int (koneso[at]who[dot]int)

Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique 
Email: dialloka [at] who.int (dialloka[at]who[dot]int)