Cameroun : un espoir pour la santé des adolescents et jeunes séropositifs

Cameroun : un espoir pour la santé des adolescents et jeunes séropositifs

Yaoundé – À 14 ans, Eugène apprend qu’il est séropositif. Ce diagnostic bouleverse son adolescence, marquée par le doute, la peur et la stigmatisation. « À cet âge, on ne comprend pas tout, mais on sent qu’on est différent. J’avais peur du regard des autres, peur de l’avenir », confie-t-il. Aujourd’hui âgé de 20 ans, il est étudiant à la faculté des sciences de l’éducation et milite pour une meilleure acceptation de soi et un accès équitable aux services de santé reproductive pour les jeunes vivant avec le VIH.

Le parcours d’Eugène incarne les défis auxquels sont confrontés des milliers de jeunes au Cameroun, où la lutte contre le VIH reste une priorité de santé publique. En 2023, le pays comptait environ 490 500 personnes vivant avec le VIH, dont 331 000 femmes. Les jeunes de 15 à 24 ans représentent près de 19 % des nouvelles infections, avec 2228 cas enregistrés cette année-là, en baisse de 49 % comparés aux 4550 nouvelles infections notifiées en 2019. Malgré les progrès, les défis persistent : stigmatisation, accès limité aux services de planification familiale, et manque d’information adaptée aux jeunes séropositifs.

Face à cette réalité, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) joue un rôle clé dans l’appui technique et stratégique au gouvernement. Elle accompagne le ministère de la Santé dans l’élaboration et la diffusion de recommandations intégrant la santé sexuelle et reproductive, la planification familiale et la prise en charge du VIH, tout en soutenant des ONG locales œuvrant directement auprès des jeunes. 

La stratégie nationale s’articule autour de la promotion et de la protection des droits des adolescents et des jeunes à accéder aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris la contraception. Elle met un accent particulier sur l’intégration des services de planification familiale dans les sites de prise en charge du VIH, avec une approche différenciée selon les tranches d’âge et une prévention combinée. En 2024, 52,7 % des jeunes ont eu accès aux méthodes modernes de planification familiale, contre 44,8 % en 2023 — une progression notable, bien que toujours insuffisante pour répondre pleinement aux besoins. 

Selon le Dr Joseph Fokam, Secrétaire Permanent du Comité National de Lutte contre le Sida, « cette stratégie vise à doter les jeunes des outils nécessaires pour faire des choix éclairés en matière de santé sexuelle, dans un environnement sûr et inclusif ». L’objectif est qu’à l’horizon 2030, 90 % des adolescents âgés de 10 à 24 ans disposent des compétences nécessaires pour se protéger du VIH et des IST, tout en bénéficiant d’une offre de services adaptée.

Eugène, qui bénéficie de ces services, témoigne. « Beaucoup de choses ont changé dans ma manière de penser la planification familiale. Je suis convaincu que les personnes séropositives doivent tout faire pour ne pas transmettre le virus. D’où l’importance d’avoir une charge virale indétectable et d’utiliser les préservatifs. » 

Les défis restent nombreux. La stigmatisation et la discrimination freinent l’accès aux services. Les jeunes craignent le jugement lorsqu’ils demandent des contraceptifs. Les interactions médicamenteuses entre ARV et contraceptifs suscitent des inquiétudes. Et dans les zones rurales, l’accès géographique aux services est limité.

Pour répondre à ces obstacles, le gouvernement, avec l’appui de l’OMS et d’autres partenaires techniques et financiers, dont la coopération allemande, a mis en place depuis 2022 plus de 187 Unités de Soins, de Ressources et d’Animation (USRA) répartis dans les 10 régions, avec des horaires adaptés et du personnel formé. Des points de prestation communautaire ont également été créés pour étendre la couverture des services, entre autres mesures.

Dans ce dispositif, les assistantes sociales jouent un rôle clé. Elles sont souvent les premières interlocutrices des jeunes en situation de vulnérabilité, leur offrant écoute, orientation et accompagnement personnalisé. Leur présence contribue à instaurer un climat de confiance, essentiel pour aborder des sujets sensibles comme la sexualité, la contraception ou le VIH.

Edwige Eyenga, assistante sociale au Centre hospitalier d’Essos, partage une histoire marquante : une jeune de 19 ans, sous pression de son petit ami qui voulait un enfant, est venue la consulter. Après une causerie éducative, elle a renoncé à ce projet, poursuivi ses études et obtenu sa licence. Elle a évité une grossesse précoce en pratiquant l’abstinence. Entre 2020 et 2024, Mme Eyenga a suivi environ 200 jeunes. Elle insiste sur le besoin de renforcer les capacités des acteurs, de créer des espaces adaptés pour les jeunes, et d’assurer la confidentialité des échanges.

L’avenir de la lutte contre le VIH au Cameroun repose sur une synergie entre les acteurs institutionnels, communautaires et internationaux. L’OMS, en tant que partenaire technique, continue de renforcer les politiques, les capacités et les services pour que chaque jeune séropositif puisse vivre pleinement et sereinement. « Pour être efficaces, les services doivent être centrés sur la personne, respectueux, confidentiels et adaptés aux réalités des jeunes. Cela signifie former les prestataires à mieux comprendre les besoins spécifiques des adolescents, réduire les barrières liées à la stigmatisation, et garantir un accès équitable, quel que soit le milieu de vie. L’approche doit être globale, inclusive et durable », souligne le Dr Ngalame Alphonse Nyong, Chargé du Programme de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale, infantile, des adolescents, et des personnes âgées au bureau de l’OMS au Cameroun.

Entre 2017 et 2024, des progrès notables ont été réalisés vers l’atteinte des trois 95 de l’ONUSIDA. La connaissance du statut sérologique est passée de 55,6 % à 92 %, traduisant une amélioration du dépistage. L’accès au traitement est resté élevé, atteignant 96 % en 2024, tandis que la suppression virale a progressé de 80,1 % à 93 %, signe d’une meilleure observance et qualité des soins. Ces résultats reflètent une dynamique positive dans la lutte contre le VIH. Toutefois, pour maintenir ces acquis et aller plus loin, il est essentiel que les services soient adaptés aux besoins des populations, en particulier les jeunes. 

Eugène, aujourd’hui âgé de 20 ans, incarne cette nouvelle génération de jeunes engagés. Grâce au soutien reçu, il a pu reprendre confiance en lui et se projeter dans l’avenir : « Je veux construire une vie de couple épanouie, avoir des enfants un jour, et leur offrir un avenir sans VIH. Aujourd’hui, je sais que c’est possible. »

 

 

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Pour plus d'informations ou pour demander des interviews, veuillez contacter :
Kadijah Diallo

Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique 
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WEGANG Germaine

Chargée de communication
OMS Cameroun
E-mail: wegangg [at] who.int (wegangg[at]who[dot]int)