Pour la santé holistique et le bien-être des populations : la contribution de la médecine traditionnelle est de mise

Pour la santé holistique et le bien-être des populations : la contribution de la médecine traditionnelle est de mise

Jeudi 24 août, 2023. 14H 20mn au marché de Kinama (Bujumbura).  Mr. Christian Kwizera debout devant l’étalage d’une vendeuse de médicaments traditionnels, triant minutieusement les produits qu’il veut acheter. A la question de savoir pourquoi vient-il s’approvisionner ici pour se soigner, le septuagénaire répond, avec un sourire au coin des lèvres : « Depuis mon enfance, j’ai été toujours soigné avec les médicaments traditionnels. Mes parents avaient plus foi en ces produits qu’en ceux de la médecine moderne. Et avec l’utilisation de ces produits on s’est toujours sentis bien. Pas de problèmes de santé. J’ai grandi avec cette croyance à laquelle j’ai converti aussi ma progéniture. Pour les problèmes de santé de ma femme et de mes enfants, je me réfère toujours à la science de nos ancêtres », argumente cet ancien fonctionnaire des services postaux du Burundi. Comme le Sieur Christian, et selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 90% de la population burundaise a recours à la médecine traditionnelle pour faire face à ses problèmes de santé. Une réalité que confirme Mme Joselyne Miburo, Cheffe du service de la promotion de la médecine traditionnelle au sein du Ministère de la santé publique et de la lutte contre le Sida. « Il est vrai que nous ne disposons pas de chiffres officiels qui indiquent le nombre de Burundais qui ont recours à la médecine traditionnelle pour régler leurs problèmes de santé, mais, force est de reconnaître que beaucoup de nos concitoyens ont foi en cette médecine qui semble leur procurer la guérison. Vous n’avez qu’à faire un tour chez les tradipraticiens pour voir l’affluence qui y règne. Parfois même les gens se présentent dans les hôpitaux après qu’ils aient recouru aux soins traditionnels sans succès », explique la psychologue clinicienne. C’est donc peu dire d’affirmer que la médecine traditionnelle existe et est bien acceptée au Burundi. Révolu donc les temps où les tradipraticiens doivent se cacher pour exercer leur science.

En effet, comme le rappelle la cheffe du service de la promotion de la médecine traditionnelle, « grâce à un décret présidentiel datant du 11 novembre 2014, portant réglementation de la médecine traditionnelle au Burundi et appuyé par trois ordonnances ministérielles, la médecine traditionnelle est reconnue officielle. Ce qui autorise les tradipraticiens à pratiquer leur science et à commercialiser leurs produits dans des officines dédiées à cet effet. A condition que les règles prescrites soient dûment respectées », prévient Mme Joselyne Miburo. 

Grâce audit décret, la Direction de la Promotion de la Médecine traditionnelle, de l’alimentation équilibrée et de l’alimentation naturelle à visée thérapeutique a vu le jour. Créée par décret présidentiel le 20 Novembre 2020, cette nouvelle structure du Ministère de la Santé a démarré ces activités le 29 mars 2021. Elle vise essentiellement à : promouvoir la production locale et l’utilisation des médicaments traditionnels améliorés ; appuyer la promotion des cultures à visée thérapeutique et la protection des plantes médicinales à travers la création de jardins botaniques et de jardins des plantes médicinales couramment utilisées et/ou menacées de disparition dans chacune des provinces du pays ; l’évaluation de l’innocuité, l’efficacité et la qualité des médicaments à base de plantes médicinales ; le renforcement des capacités des tradipraticiens en rapport avec les dangers/risques, les urgences médicales et chirurgicales. Ces dispositions permettent aujourd’hui à, au moins, un millier de tradipraticiens réunis au sein du réseau des associations des tradithérapeutes de mettre au service de la santé de leurs concitoyens leurs connaissances des vertus des plantes, à la grande satisfaction de Mr. Jothan NIKORA : « je me réjouit de l’effort fait par les autorités de notre pays pour nous permettre d’exercer notre science. Aujourd’hui nous collaborons bien avec le Ministère de la santé publique et de la lutte contre le sida (MSPLS) et même avec les médecins conventionnels. Notre réseau dispose d’antennes dans les 18 provinces du pays et nous travaillons avec les médecins provinciaux pour la prise en charge de certaines pathologies », révèle le Président du réseau national des associations des tradipraticiens du Burundi.

Mais pour Mr. Aminadab HAVYARIMANA, Anthropologue, « la collaboration entre la médecine traditionnelle et celle conventionnelle reste embryonnaire, très étroite. Il faudrait qu’elle soit davantage promue afin que les soins médicaux traditionnels s’intègrent dans le système de santé du pays », conseille le professeur assistant à l’Université du Burundi. Il loue les « compétences avérées » des tradithérapeutes burundais dans la prise en charge de certaines pathologies « comme la COVID 19, le paludisme, la fièvre typhoïde, le diabète, l’hypertension artérielle, les fractures osseuses, pour ne citer que celles-là ». Un éventail de maladies qui peut être élargi si les praticiens de la médecine traditionnelle sont soutenus à travers, comme le souligne Jothan NIKORA, « la mise en place d’un laboratoire d’analyse des produits issus de la médecine traditionnelle ; l’implantation au sein de l’Université d’une faculté pour l’enseignement de la médecine traditionnelle, la création d’un hôpital typiquement traditionnel, l’organisation à l’intention des tradipraticiens des voyages de partage d’expériences dans les pays de référence en matière de médecine traditionnelle ». Des propositions auxquelles adhère Mme Joselyne Miburo. Tout en partageant l’idée de renforcement des capacités des tradithérapeutes, la cheffe du service de la promotion de la médecine traditionnelle plaide aussi pour une mise à disposition de moyens financiers conséquents pour renforcer la recherche et la mise en place de laboratoires d’analyse afin de jauger l’efficacité des médicaments qui pourraient être homologués par l’OMS, laquelle organisation « appuie le pays techniquement et financièrement dans l’élaboration de politiques et de documents stratégiques afin que la médecine traditionnelle puisse jouer pleinement son rôle dans la santé intégrale des populations », précise la psychologue clinicienne qui ne cache pas sa foi en la médecine traditionnelle. Tout comme l’enseignant chercheur de l’Université du Burundi. « Avec les progrès réalisés dans la structuration, la formation, les recherches effectuées dans la phytothérapie, la médecine traditionnelle a une place non négociable dans l’intégration des soins de santé pour le bien-être des populations. Mais pour que cela devienne une réalité palpable dans notre pays, il faudrait mettre en œuvre cette politique nationale de la santé qui prône la promotion de la médecine traditionnelle jusqu’à son intégration effective dans le système de santé national. L’autre chose est que les tradipraticiens doivent œuvrer pour la coordination de leurs actions en travaillant dans les groupements ou des associations pour qu’ils puissent barrer le chemin à cette croyance qui les assimile aux charlatans, aux féticheurs. Il faudrait aussi que les pouvoirs publics prennent des mesures idoines pour mettre de côté les brebis galeuses qui ternissent l’image des tradipraticiens sérieux et détenteurs de vraies connaissances des vertus des plantes thérapeutiques. Car, la tradithérapie avant tout est l’utilisation des plantes et des minéraux à des fins médicales. Par conséquent, cette science ne saurait être exercée par n’importe quel aventurier », avertit l’anthropologue Aminadab HAVYARIMANA.

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