Jeanne GAPIYA-NIYONZIMA : Toute une vie au service de la santé et de la lutte contre le VIH/SIDA

Jeanne GAPIYA-NIYONZIMA : Toute une vie au service de la santé et de la lutte contre le VIH/SIDA

Haute de ses 1m89 et malgré le poids de l’âge qui se fait sentir discrètement, Jeanne GAPIYA, 60 ans garde toujours l’allure et l’apparence de l’athlète et basketteuse qu’elle fût pendant sa tendre jeunesse. Comptable gestionnaire de profession, rien ne prédestinait cette burundaise à un parcours de combattante pour la santé. 
Jeanne GAPIYA a vu sa vie basculer à la suite de la mort de son fils à 18 mois et de son mari une année plus tard du VIH/SIDA, Maladie dont elle était aussi atteinte et qui a eu un impact extrêmement lourd sur sa vie. « J’ai perdu mon premier mari en 1989, une sœur en 1990 et mon frère unique en 1992, tous mort du VIH/SIDA », raconte Dame Jeanne avec le tremolo dans la voix. 

Face à l’ampleur et au ravage de la pandémie dans les années 80-90, Jeanne a décidé de ne pas rester les bras croisés. Elle s’est lancée corps et âme dans la lutte pour combattre la maladie et aider toute personne atteinte du mal du siècle. « Mon premier combat fut, en 1994, la révélation de mon statut sérologique à visage découvert à travers des témoignages en public, sur les ondes des radios, et des chaines de télévision pour faire prendre conscience aux uns et autres afin de les amener à se faire dépister et accepter de se faire prendre en charge », déclare Madame GAPIYA.

En 1995, Jeanne GAPIYA prend son bâton de pèlerin pour sensibiliser la population et trouver de quoi traiter les malades du VIH/SIDA. Avec feu son compagnon de lutte Juvénal Ntandikiye, elle met sur pied l’ANSS, l’Association Nationale de Soutien aux Séropositifs et aux malades du Sida. 

A travers les nombreuses initiatives et les activités menées en faveur des PVVIH, cette structure est devenue aujourd’hui au Burundi « le paradis terrestre » des personnes affectées par le VIH/SIDA et un acteur majeur dans la lutte contre la pandémie. Un motif de fierté pour celle qui est vue comme la cheville ouvrière de la riposte communautaire au VIH au Burundi. « Ce combat est devenu le sens de ma vie. Je ne vis plus pour moi-même ou pour ma famille. Je vis pour tout le monde, surtout ceux qui sont affectés par la maladie. 

Lorsque je vois aujourd’hui les enfants que j’ai recueillis à l’âge de 4 ans, que j’ai mis sous cotrimoxasole et qui sont mariés, qui ont réussi leur vie et ont eu des enfants bien portants, quand je vois les locaux d’ANSS remplir de monde venu se faire prendre en charge, je ne peux qu’être réconfortée et me dire que j’ai fait œuvre utile », se réjouit celle qui vit et se bat contre la pandémie depuis plus de 37 ans. 
L’autre chantier sur lequel s’est investie Jeanna GAPIYA, c’est la création du « CENTRE TURIHO » (en langue Kirundi : nous les personnes vivant avec le VIH sommes vivantes ; nous sommes ici !). En partenariat avec l’ONG française SIDACTION, ce centre qui existe depuis plus de deux décennies passe pour être la référence nationale en matière de prise en charge clinique du VIH/SIDA, fournissant le traitement antirétroviral à 6040 personnes sur une estimation de 73 789 patients sous traitement à l’échelle nationale.

Membre de plusieurs organismes impliqués dans la lutte contre le Sida aux niveaux régional et mondial, Jeanne GAPIYA s’est battue pour faire introduire les médicaments nécessaires pour le traitement des PVVIH au Burundi à un moment où le pays était sous embargo. « J’ai fait des pieds et des mains pour avoir l’adhésion des hautes personnalités du pays : les ministres et même le Président de la République pour obtenir la réduction de 40% des taxes sur les antirétroviraux et les médicaments contre les infections opportunistes et leur suppression totale une année après. J’ai même pu obtenir du Gouvernement la mise en place d’un fond de solidarité thérapeutique renouvelable chaque année pour soulager la peine des malades », se remémore Jeanne GAPIYA.

Cette vie dédiée à la cause de la santé et du VIH/SIDA, appuyée par une forte documentation sur la maladie a fait de Jeanne une « experte » courtisée par les médecins et les chercheurs au pont d’être distinguée « meilleur soignant » sans pour autant être du corps médical. « J’étais devenue assimilée aux médecins. C’est ainsi que je suis devenue membre de plusieurs commissions dont l’Action Coordonnée 12 de l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida et les Hépatites virales, une organisation française), la Commission DATURA, qui est une commission de recherche sur la co-infection tuberculose-VIH », confie celle qui est également à l’initiative du Fond Orphelins Gapiya qui a permis à des jeunes PVVIH d’avoir la possibilité d’étudier et devenir aujourd’hui avocats, informaticiens, journalistes, psychologues et médecins. « Aujourd’hui je me fais soigner par mes enfants. N’est-ce pas une bénédiction ? J’en reçois plus que j’en ai donné », se réjouit Jeanne GAPIYA.

A cet égard, l’activiste pour la cause des personnes vivant avec le VIH voudrait voir les femmes s’engager davantage dans le domaine de la santé. Car, « la femme a toujours joué un grand rôle dans la promotion de la santé et du bien-être de la population. C’est d’abord elle qui donne la vie et déjà sur ce plan elle a le devoir de prémunir son enfant contre tout danger, toute maladie comme le VIH/sida par exemple », explique-t-elle.
 

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