En héroïne méconnue, Maman Maguy, 55 ans, fait partie des travailleurs de première ligne à l’hôpital général de Kaga Bandoro. En plus d’accompagner les femmes enceintes et de les assister lors de l’accouchement, Marguerite a une autre corde à son arc : panser les blessures des victimes de violences sexuelles. Dans la zone, le viol est aussi utilisé comme arme de guerre par les groupes en conflits et malheureusement beaucoup de ces cas restent non signalés.
Selon les statistiques recueillies grâce au système d’alerte précoce mis en place par le Ministère de la santé avec l’appui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2023, 243 cas de viol ont été enregistrés et pris en charge à l’hôpital de Kaga Bandoro dans Nana Grébizi, y compris deux hommes.
Le travail de Maman Maguy auprès des survivantes consiste non seulement en une prise en charge médicale, mais aussi en un accompagnement psychosocial pour lesquels elle est régulièrement formée par l’OMS depuis 2018. Elle oriente aussi, selon les besoins, les survivantes vers les structures de protection juridique et d’appui économique. « Souvent, les victimes hésitent à se manifester et même à demander de l’aide », reconnait Maman Maguy. « Je me déplace discrètement dans les communautés afin de les persuader de se faire soigner et souvent j’arrive à les convaincre ».
Son endurance, sa longue expérience et son savoir-faire font d’elle une épaule réconfortante auprès de ces personnes touchées dans leur dignité. L’OMS et d’autres partenaires l’appuient également en mettant à sa disposition des produits médicaux nécessaires à la prise en charge clinique et psychosociale.
Le Dr Ngoy Nsenga, représentant de l'OMS en Centrafrique, estime qu'il est réconfortant de voir comment les possibilités de formation offertes par l'OMS améliorent les soins pour ceux qui en ont le plus besoin. « Nous restons pleinement engagés à soutenir le Ministère de la santé pour garantir aux populations l’accès à des soins de santé essentiels dans des situations souvent très difficiles », déclare Dr Nsenga.
Maman Maguy a accepté de travailler malgré l’insécurité dans le district sanitaire de Nana Grébizi, qui couvre une population estimée à 239 162 habitants. « Nous vivons dans une insécurité perpétuelle à Kaga Bandoro. Mais ne pas mettre mon expertise au service de ces personnes meurtries par le viol, c’est participer à renforcer cette insécurité », estime-t-elle.
Un travail difficile, plein d’obstacles, qui demande à Maman Maguy beaucoup d’efforts et d’abnégation. « Les ressentiments des survivantes, les faits horribles que nous voyons, l’impunité et l’insécurité dans la zone sont autant de défis à affronter », dit-elle. « Voir un sourire sur le visage de ces personnes, qui avaient perdu tout espoir, m’encourage et me rend fière. Voilà ma plus grande satisfaction. »