La surveillance communautaire, un élément central de la lutte contre l'épidémie d'Ebola en Guinée

La surveillance communautaire, un élément central de la lutte contre l'épidémie d'Ebola en Guinée

N’Zérékoré, Guinée – Quelques jours après avoir référé un malade à l’hôpital régional, Dr Emmanuel Goépogui, un médecin généraliste à la tête d’une clinique privée dans la commune urbaine de N’Zérékoré, dans le sud-est de la Guinée, a reçu la visite d’une équipe de la surveillance communautaire. « Ils sont venus m’informer que mon patient avait été testé positif à la maladie à virus Ebola et que j’étais un contact direct. » Le Dr Goépogui a finalement été testé négatif. « Puis, j’ai été vacciné avec tous les membres de ma famille qui vivent avec moi. Après 21 jours de suivi, on m’a dit que j’étais indemne. »

Depuis la détection, le 14 février, d’un premier cas d’Ebola dans la région, les autorités sanitaires, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et leurs partenaires ont mis en place un système de surveillance au sein des communautés. Contrôler la propagation du virus nécessite en effet d’avoir une connaissance fine de la situation épidémiologique : qui développe les symptômes, dans quelle localité, avec qui cette personne a été en contact ? Cela implique de détecter les cas le plus rapidement possible, ainsi que d’isoler et de vacciner leurs contacts. Pour cela, l’OMS et ses partenaires collectent des informations permettant de détecter et de mener des investigations sur les cas suspects, d’effectuer des prélèvements sanguins, d’assurer un suivi des contacts et de vacciner efficacement.

A la date de 2 avril 2021, la Guinée ne comptait 22 cas confirmés et 12 décès. Bien moins que lors de la première épidémie en 2014-2016, qui avait entraîné le décès de 11 000 personnes en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia.

Les autorités sanitaires, en collaboration avec l’OMS et les partenaires, ont adopté une approche par « aires de santé », qui consiste à focaliser les actions de santé publique autour des cas. Ceci permet de concentrer et de renforcer les interventions des prestataires dans leurs zones géographiques et ainsi de répondre efficacement à l’expansion de l’épidémie. Les activités de la riposte sont décentralisées, ce qui renforce le leadership et l’appropriation de la riposte par les services sociaux et les services de santé essentiels de base, qui connaissent mieux les populations affectées.

« L’OMS et d'autres partenaires appuient cette approche en mettant à disposition des ressources humaines, financières et matérielles dans chacune des 17 aires de santé et la direction préfectorale de la Santé », explique Dr Ibrahima Sory Fofana, responsable de la surveillance à l’OMS dans le cadre de la riposte à Ebola à N’Zérékoré. « Chaque équipe est composée d’un épidémiologiste sénior, d’agents de recherche active des cas, d’une personne chargée de la communication, de la prévention et du contrôle des infections, d’une autre chargée de la prise en charge psychosociale, et enfin d’agents communautaires. »

Ces équipes parcourent les localités à la recherche de cas suspects, c’est-à-dire toute personne, vivante ou décédée, présentant ou ayant présenté une fièvre élevée à début brutal ainsi qu’au moins trois symptômes d’Ebola. Un cas suspect peut aussi simplement avoir  été en contact avec un autre cas suspect, probable, confirmé ou d’un animal mort ou malade et présentant ou ayant présenté au moins un des symptômes d’Ebola. Toute personne présentant des saignements inexpliqués rentre aussi dans cette catégorie.

On parle de cas probable lorsqu’il est impossible de prélever et d’analyser un échantillon sanguin : par exemple quand le décès d’une personne avec un lien épidémiologique avec un cas confirmé est signalé après inhumation du corps.

Dr Kèbè Kalivogui fait partie des 43 personnes formées par l’OMS et CDC Afrique à la recherche active de cas. Il analyse les registres de consultations des structures de santé de Gouécké, épicentre de l’épidémie, afin de repérer les patients dont les symptômes correspondent à ceux d’Ebola. « Depuis que nous avons commencé le 15 mars dernier, je remonte en moyenne 15 cas suspects par jour au niveau des investigateurs », précise-t-elle.

Lorsqu’un cas suspect est signalé, c’est au tour du Dr Faya Nestor Tolno, agent investigateur à Gouécké, d’intervenir. « Nous allons sur le terrain pour enquêter et avoir la confirmation que le cas répond à la définition de la maladie à virus Ebola. Ensuite nous remontons les informations au niveau du service d’alerte qui, à son tour, envoie une équipe pour l’approfondissement des études sur les cas signalés. »

Une fois le cas suspect confirmé, Facely Condé, responsable du suivi de contacts à Gouécké, rend visite, deux fois par jour et pendant 21 jours, aux personnes qui ont été en contact direct avec les cas confirmés positifs ou décédés d’Ebola. Le relais communautaire (RECO) mesure la température, la tension et d’autres paramètres médicaux, mais aussi interroge la personne sur son état de santé et la conseille sur le respect des gestes barrières. « Au total, j’avais 289 contacts à suivre depuis qu’Ebola a réapparu », comptabilise Facely Condé. « A ce jour, 270 personnes sont sorties après avoir été testées négatives » Tous les contacts actifs ont été vaccinés.

Malgré ces dispositifs, le taux d’alerte des cas suspects reste faible et les décès au sein des communautés ne sont pas toujours signalés aux autorités sanitaires. Les consignes sanitaires de sécurité se heurtent en effet souvent à la crainte d’être stigmatisé ou à des pratiques religieuses traditionnelles.

Dans la commune urbaine de N’Zérékoré, une équipe de Communication des risques et d’engagement communautaire (CREC), une composante essentielle de la surveillance communautaire, a dû intervenir à la suite du décès à cause d’Ebola d’une tradi-thérapeute pendant les premières semaines de l’épidémie. Malgré les réticences des sociétés traditionnelles auxquelles appartenait la défunte, l’inhumation avait été prise en charge par les autorités, suivant les règles des enterrements dignes et sécurisés (EDS) visant à réduire les risques de propagation du virus. Il a fallu convaincre l’époux d’accepter d’être testé, suivi et vacciné. « Aujourd’hui, nous sommes en deuil parce que j’ai perdu ma femme », dit le père de famille. « Mais je suis soulagé parce qu’aucun autre membre de la famille n’a été testé positif à Ebola. »

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