En RDC, renforcer la surveillance de la résistance aux antimicrobiens pour sauver des vies

En RDC, renforcer la surveillance de la résistance aux antimicrobiens pour sauver des vies

Kinshasa – Nathalie* regarde son bébé convalescent, tandis que la tristesse fait place à l’espoir. Son nourrisson de 12 mois, a été admis à l’Hôpital Saint-Luc de Kisantu, situé au sud-ouest de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Le traitement initial qui lui était administré s’est révélé inefficace.

« Il a beaucoup souffert pendant trois jours et je pensais qu’on n’arriverait plus à le sauver », raconte Nathalie. La fièvre, la diarrhée et les vomissements ont persisté malgré les médicaments.

Il a fallu quatre jours au personnel soignant pour enfin trouver un traitement approprié pour soigner l’enfant. L'analyse a révélé que le nourrisson ne répondait pas au traitement à cause de la résistance aux antimicrobiens.

La Résistance aux antimicrobiens (RAM) est l'une des dix plus grandes menaces de santé publique dans le monde. Elle survient lorsque les bactéries, les virus, les champignons et les parasites évoluent au cours du temps et ne répondent plus aux médicaments, rendant plus complexe le traitement des infections et augmentant le risque de propagation, de forme grave de la maladie et de décès. Ce phénomène est principalement dû à une utilisation excessive ou abusive des médicaments.

Le Dr Daniel Vita Mayimona, Directeur médical à l’Hôpital Saint-Luc, se souvient que des cas de multi-résistance élevée à une bactérie ont été observé il y a trois ans.

« Nous avons assisté à un phénomène étrange qui n’attaquait que les enfants de moins de cinq ans », retrace le Dr Mayimona. « Après avoir analysé des échantillons prélevés sur les patients, nous avons pu identifier la bactérie qui était à l’origine de cette situation ».

L'Afrique subsaharienne a le taux de mortalité le plus élevé au monde en raison de la résistance aux antimicrobiens, avec 99 décès pour 100 000 personnes. Dans la Région africaine, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) collabore avec les gouvernements et les autorités sanitaires pour renforcer les mesures de lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

En septembre 2022, l’OMS a formé 26 techniciens d’analyse médicale de huit laboratoires pilotes de la République démocratique du Congo à l’utilisation du logiciel WHONET. Cette application a été conçue par l’OMS pour gérer et analyser des données de laboratoire de microbiologie avec un accent particulier sur la surveillance des antimicrobiens.

 « L’un des rôles majeurs de l’OMS est de doter le personnel de laboratoire et de santé de capacités adéquates nécessaires pour améliorer la surveillance et documenter efficacement la résistance aux antimicrobiens dans la prise de décision face à cette menace de santé publique », indique le Dr Amédée Prosper Djiguimdé, Chargé de bureau de l’OMS en République démocratique du Congo. 

Pour le professeur Octavie Lunguya, Chef du département de microbiologie de l’Institut national de recherche biomédicale (IRNB), les données recueillies par le réseau WHONET ouvrent la voie au suivi et à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

« WHONET nous met instantanément la puce à l’oreille quant à la qualité des données, aux agents pathogènes, leur origine, le profil de résistance des différents germes et l’évolution même de l’isolement de certains germes ».

Un mois après la formation et la configuration du logiciel WHONET, l’IRNB a soumis 5500 données de prélèvements de la RAM correspondant aux données de l’année 2021 dont 4720 données provenant de Kisantu. WHONET, associé au Système mondial de surveillance de la résistance et de l'utilisation des antimicrobiens (GLASS), permet de surveiller instantanément les tendances de la résistance aux antimicrobiens, de détecter les résistances naissantes et de faciliter l’estimation du fardeau de la RAM pour les États.

 À l’Hôpital Saint-Luc, le pic de résistance aux antimicrobiens observé en 2019 chez les enfants a entraîné l'adoption d'un nouveau protocole de traitement mis en place avec l’appui de l’IRNB et les Cliniques universitaires de Kinshasa. Ce nouveau protocole a permis de sauver la vie de 212 enfants.

« Aujourd’hui, si nous parvenons à sauver de nombreuses vies, c’est à grâce aux formations de l’OMS qui nous ont permis de mieux surveiller les résistances et d’y répondre en moins d’une semaine », assure le Dr Vita Mayimona.

La résistance aux antimicrobiens fait subir un lourd tribut tant pour les patients que pour les travailleurs de la santé. En plus de la prise en charge rendue difficile par les protocoles de traitement connus qui ne répondent plus, entrainant des décès et des incapacités, on note de longues durées d’hospitalisation et des traitements beaucoup plus onéreux.

« Si nous voulons assurer une vie saine et promouvoir le bien-être de tous, à tous les âges, nous devons continuer d’insister sur l'alerte précoce, la réduction et la gestion des risques liés aux antimicrobiens, tout en soulignant l’importance d’une approche multisectorielle qui inclue la médecine humaine et animale dans la prévention et le contrôle des infections », martèle le Dr Amédée Prosper Djiguimdé.

Dès que la bactérie objet de la résistance a été identifiée et le traitement adapté, le fils de Nathalie a progressivement recouvré la santé. « Nous pourrons retourner à la maison dans quelques jours », se réjouit-elle au chevet de son fils qui s’amuse avec son doudou. « De retour, je vais tout faire pour sensibiliser ma communauté pour arrêter l’automédication, surtout pour les antibiotiques sans prescription du médecin. »  

*Nom d’emprunt

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