POUR UNE BONNE SANTE MENTALE : ŒUVRONS POUR UNE MEILLEURE QUALITE DE VIE DES POPULATIONS

POUR UNE BONNE SANTE MENTALE : ŒUVRONS POUR UNE MEILLEURE QUALITE DE VIE DES POPULATIONS

Physique très athlétique qui le ferait passer pour un basketteur, le regard affichant lucidité et sérénité, Christian, haut de ses 29 ans, est l’un des pensionnaires du centre neuropsychiatrique de Kamenge (CNPK) à Bujumbura. Il y est interné depuis six mois à la suite de troubles mentaux. Même si l’intéressé nie les raisons qui l’ont fait venir dans ce centre de traitement, il y a été conduit par sa famille après qu’il ait développé des signes de la maladie mentale, comme nous l’explique Madame Médiatrice Nsengiyumva, responsable du service nursing du CNPK. « Christian a été amené ici après qu’il ait commencé à développer des troubles du comportement induits par l’abus des substances psycho actives. Après le décès de sa maman il a été soumis à la maltraitance de sa marâtre avec la complicité de son père. A cela s’est ajoutée une situation de stress et de frustration due au fait qu’il n’avait pas les moyens pour mettre en œuvre des projets qu’il murissait pour son avenir. Ne pouvant plus supporter, Christian s’est réfugié dans les stupéfiants qui l’ont plongé dans cet état », nous a confié Mme Nsengiyumva. 

Pauvreté et difficultés de la vie : sources de déséquilibre mental

Comme Christian, nombreux sont les Burundais et burundaises qui sont victimes de maladies mentales suite à des difficultés de la vie, à la consommation des drogues ou même à la pauvreté. « La santé mentale est un problème très sérieux et préoccupant au Burundi qui est un pays pauvre où la majorité de la population n’a pas assez de moyens pour vivre convenablement. En plus de cela c’est un pays post conflit où les gens continuent de vivre des traumatismes liés aux périodes de guerre et de conflits armés », témoigne le Frère Marcus CIZA, psychologue et directeur du CNPK. Et Madame Médiatrice Nsengiyumva de renchérir : « la plupart des malades que nous recevons souffrent de différentes catégories de troubles mentaux par exemple psychose aigue, psychoses chroniques schizophréniques, psychoses chroniques non schizophréniques, troubles du comportement induits par abus des substances psycho actives, trouble bipolaire, dépression unipolaire, et ces troubles peuvent pousser aux tentatives suicidaires voir même au passage à l’acte suicidaire. Tout ceci est causé par la pauvreté, les violences basées sur le genre, la crise sociopolitique, la perte des biens et des êtres chers, les abus de substances psycho actives comme l’alcool, le chanvre indien et l’héroïne surtout ». 
Pendant longtemps les maladies mentales n’étaient pas comprises au Burundi. Elles étaient assimilées à des actes d’ensorcellement.  Et même si aujourd’hui les mentalités ont évolué, force est de reconnaitre qu’une bonne partie de la population peine encore à accepter les pathologies neuropsychiatriques comme des maladies au même titre que les autres. Ce qui fait que quand le mal survient, l’entourage, au lieu de conduire le patient dans les centres psychiatriques l’oriente plutôt vers les églises ou chez les tradipraticiens. C’est quand la maladie s’aggrave qu’on se réfère aux structures compétentes et habilitées à administrer des soins neuropsychiatriques comme le CNPK.
En plus de ses antennes de Ngozi et Gitega, le CNPK est la structure de référence desservant la quasi-totalité du pays. A travers une prise en charge basée sur le traitement pharmacologique (prise de médicaments), psychothérapeutique (entretiens réguliers avec un.e psychothérapeute. Ces entretiens peuvent être individuels ou en groupe), et ergo thérapeutique (avec pour objectif la réintégration socioprofessionnelle et l’autonomisation des patients par rapport aux activités de la vie quotidienne antérieure à l’hospitalisation. 

Le CNPK pourrait mieux assurer la prise en charge des patients s’il est doté de moyens conséquents !

Cependant, malgré les efforts déployés au quotidien pour cette prise en charge holistique des patients, le CNPK fait face à de nombreux défis. En effet, selon Mr Joseph Akumuryango, chargé de la statistique, les allocations financières de la santé mentale rentrent dans le cadre global du financement des activités des structures de santé.  Les principales sources de financement des activités en santé mentale sont le budget de l’Etat et des Partenaires Techniques et Financiers.  Il n’existe pas une rubrique spécifique de financement des actions de santé mentale, ce qui a pour conséquence l’insuffisance de la prise en compte de ces activités dans les plans d’action des différentes structures de santé. Ainsi, tous les soins de santé mentale sont couverts par les malades ou leurs familles sauf ceux affiliés à la mutuelle de la fonction publique et les bénéficiaires des bons de prise en charge. A cela s’ajoute le manque de produits psychotropes (médicaments ou substances qui agissent sur le psychisme) qui ne sont pas importés par la CAMEBU (centre d’achat des médicaments du Burundi), ce qui rend indisponibles les neuroleptiques (médicaments qui agissent sur le système nerveux) sur le marché local, mais aussi dans la sous-région. 

Autres points faibles du CNPK : il ne dispose pas de locaux suffisants et appropriés, pas de service d’addictologie, pas d’équipements adéquats et seulement un psychiatre pour le centre. Étant l’unique hôpital psychiatrique sur tout le territoire national, il lui est difficile de satisfaire tous les besoins des demandeurs des biens et services. 
Face à ces défis, le Directeur du CNPK, le Frère Marcus CIZA en appelle aux décideurs et partenaires au développement d’œuvrer pour donner à cet hôpital ses lettres de noblesse « en le dotant de moyens nécessaires pour la prise en charge conséquente des malades. Ceci passera par la mise à disposition du centre du personnel qualifié, des médicaments appropriés, d’une aide substantielle aux malades et aux familles afin de les accompagner dans le traitement ». La responsable du service nursing du CNPK, Mme Médiatrice Nsengiyumva, quant à elle, plaide pour une meilleure sensibilisation de la population et pour la promotion de la santé de la reproduction. Elle souhaite que les autorités du pays mènent des actions « pour éduquer, informer et sensibiliser la population sur les comportements à adopter auprès des patients présentant des troubles mentaux. Il faudrait aussi amener les Burundais et Burundaises à comprendre la nécessité de limiter les naissances. Il faut que les gens soient sensibilisés pour mettre au monde le nombre d’enfants dont ils peuvent s’occuper en fonction de leurs moyens. Cela éviterait des situations d’errance, de perdition et d’addiction aux substances psychoactives vers lesquelles les gens se tournent en cas de soucis affectifs, sociaux ou économiques ». Et ce n’est pas le sieur Vianney qui dirait le contraire. Ce technicien agronome de son état, âgé de 51, ans bénéfice des services du CNPK depuis 1997, suite à un accident de la circulation qui a engendré des troubles mentaux. Il voudrait voir les autorités du pays accorder une attention plus accrue aux malades mentaux « comme c’est le cas pour les personnes vivant avec le VIH à travers des soins réguliers et gratuits afin que nous nous en sortions. Qu’on nous regarde avec plus de bienveillance pour nous permettre de guérir et d’être aussi utiles à notre pays ». 

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